Ce lundi 4 septembre 2023, l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a partagé son nouveau rapport sur les espèces invasives. Ce rapport inédit a pour objectif de « faire autorité » et de « contribuer grandement à combler les lacunes critiques en matière de connaissances, à soutenir les décideurs et à sensibiliser le public », souligne Helen Roy, du Centre britannique d’écologie et d’hydrologie, qui copréside la publication. Préparé par 86 experts internationaux originaires de 49 pays, le rapport s’appuie sur plus de 13 000 études de références, synthétisées pendant quatre ans, pour un coût total de plus de 1,5 million de dollars.
Un coût estimé à 423 milliards de dollars chaque année
Pour l’IPBES, qui regroupe des experts internationaux réunis sous l’égide de l’ONU, « la menace croissante » que représentent les espèces exotiques envahissantes (EEE) « est généralement mal comprise ». Christophe Diagne, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier, souligne que le phénomène des espèces exotiques envahissantes « est encore peu connu […], mais c’est pourtant un problème majeur aussi bien sur le plan écologique que sanitaire ou même économique ».
Ces espèces exotiques envahissantes jouent un « rôle majeur » dans 60 % des extinctions d’espèces à travers le monde et dans 16 % des cas elles en sont l’unique cause, annonce le rapport de l’IPBES. Au niveau financier, les conséquences ne sont pas négligeables : le coût des espèces invasives est estimé à plus de 423 milliards de dollars par an, un montant qui quadruple tous les dix ans depuis 1970, et les chiffres « sont probablement grandement sous-estimés », soulignent les experts de l’ONU.
Dans un rapport diffusé en 2019, l’IPBES pointait déjà du doigt ces espèces envahissantes comme l’une des cinq causes majeures d’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale. Les experts ont recensé pas moins de 37 000 espèces exotiques, c’est-à-dire d’espèces introduites par une activité humaine dans des régions du monde entier, volontairement ou non. Parmi celles-ci, environ 3 500 sont des espèces exotiques envahissantes. Outre leurs effets néfastes sur la nature, les espèces invasives menacent notamment « les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau, l’économie et la santé humaine », précise le rapport.
Lutter contre les espèces exotiques envahissantes
Ce rapport sort quelques mois après l’accord de Kunming-Montréal, où la communauté internationale s’est fixée comme objectif de réduire de moitié le taux d’introduction d’espèces exotiques envahissantes d’ici à 2030. Pour les experts de l’IPBES, les mesures mises en place pour relever ces défis sont généralement insuffisantes. Alors que 80 % des pays ont des objectifs liés à la gestion des espèces exotiques envahissantes dans leurs plans nationaux pour la biodiversité, seuls 17 % d’entre eux disposent de lois ou de réglementations nationales traitant spécifiquement de ces questions.
Pour le professeur Anibal Pauchard, coprésident de l’étude, « la bonne nouvelle, c’est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion, des options de gouvernance et des actions ciblées qui fonctionnent réellement ». « L’un des messages les plus importants du rapport est qu’il est possible de réaliser des progrès ambitieux dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes », complète le professeur Peter Stoett, également coprésident.
En France, l’Office français de la biodiversité estime que les territoires d’outre-mer concentrent 74 % des espèces exotiques envahissantes. La métropole n’est pas en reste, avec des espèces telles que le frelon asiatique, le ragondin, l’ambroisie, qui peut être préjudiciable aux cultures, ou encore le moustique tigre, vecteur d’épidémies.