Un éleveur porcin peut-il répondre aux demandes de la société en matière d’environnement et de bien-être animal ?

Non, cela n’est pas possible à l’heure actuelle. Il existe une contradiction entre ce que la société attend d’un point de vue environnemental et d’un point de vue du bien-être animal. Prenons l’exemple du logement : sur le volet environnemental, plus les déjections se font dans un endroit que l’on peut maîtriser, traiter, évacuer, etc., plus on réduit les impacts environnementaux. De son côté, le bien-être animal dit : « on ouvre tout », et défend donc quelque chose de non maîtrisable. Les animaux se retrouvent alors dehors, leurs déjections se font dehors, l’animal émet de l’ammoniac, du gaz à effet de serre, et nous n’avons aucun moyen d’agir. Autre exemple : des élevages sur litière sont attendus par le consommateur, mais d’un autre côté, c’est potentiellement plus de gaz à effet de serre et d’émission de particules.

 

Est-ce à dire que l’éleveur se trouve face à une impasse ?

Quand nous réfléchissons à des modèles optimaux pour répondre à toutes ces attentes, nous voyons bien que la performance environnementale est contradictoire aujourd’hui avec une amélioration du bien-être animal. Disons que cela ajoute de la difficulté à l’exercice. Pour autant, il faut bien parvenir à répondre à ces demandes. Nous réfléchissons donc à concilier ces deux attentes, à des systèmes d’élevage, par exemple, où l’on inciterait les animaux à faire leurs déjections à l’intérieur, tout en leur laissant un espace de liberté à l’extérieur.

 

Mais ces solutions sont-elles raisonnablement finançables ?

Nous savons qu’aller vers une meilleure prise en compte du bien-être animal entraînera un surcoût. Cela signifie par exemple davantage de surface. En termes d’infrastructures, cela coûte plus cher. Idem sur le plan de l’environnement, même si les systèmes actuels enregistrent déjà de bonnes performances.

 

Plus généralement, toute amélioration a un coût. Les éleveurs nous le disent : « Moi je veux bien faire n’importe quel système. Je suis prêt dès demain à mettre de la paille et à avoir de plus de grandes surfaces. Mais je veux aussi que l’on me garantisse qu’il y aura quelqu’un pour m’acheter mon porc issu de ce système. » Se pose la question du marché et du consentement des consommateurs à payer pour tous ces modèles.

 

Un éleveur se disait à la recherche d’arguments (1) face aux questions des consommateurs. Est-ce récurrent ?

Oui, nous sommes très sollicités, surtout en ce moment. Beaucoup d’éleveurs cherchent la solution idéale, ils nous disent être prêts à répondre aux attentes sociétales, parce qu’ils veulent aussi améliorer leur image. Mais le modèle idéal n’est pas simple à trouver. Alors nous travaillons avec eux. Je crois que l’on sous-estime le besoin de recherche et développement (R&D) pour les accompagner dans cette transition. J’ai l’impression que beaucoup d’énergie est mise à leur reprocher leur modèle d’aujourd’hui, mais qu’il y en a peu pour financer de la R&D, et les aider à trouver des solutions. Et cela a pour conséquence, qu’outre cette demande d’argumentaire récurrente, nous rencontrons aussi des éleveurs assommés par les reproches successifs qui leur sont faits.

 

Concernant cet argumentaire attendu par les éleveurs, la solution n’est-elle pas à trouver davantage dans la communication que dans des explications techniques ?

Oui, c’est ce que je pense. Des outils ont été conçus pour les éleveurs pour qu’ils puissent mesurer leur performance au quotidien et s’approprier ce que cet éleveur me demandait en effet : « Quels sont mes chiffres ? Comment je me situe ? » Mais nous voyons bien qu’en complément de ces outils très techniques, un portail web très simple, avec davantage de messages vulgarisés, et un état des bilans environnementaux des élevages porcins présentant de simples références, serait aussi nécessaire.

(1) L’interview a été réalisée, le 11 septembre 2019, au Space, à Rennes, à l’issue d’une conférence intitulée « Le porc dans les repas des Français : quels impacts réels sur l’environnement ? » et organisée par l’Ifip.