Quelles relations entretenez-vous avec les associations de défense animale ?
Il faut échanger avec les associations welfaristes. Avec L214, c’est différent, on n’est pas du tout dans ce cadre. Le bien-être animal n’est pour eux qu’un prétexte. On ne les convaincra de rien, puisque leur volonté, c’est l’arrêt de tout élevage et de toute consommation de viande.
Quelle est votre analyse sur l’élevage intensif ?
L’élevage intensif est la rationalisation des méthodes d’élevage. Il a été mis place progressivement pour diminuer les coûts de production de la volaille. Il fallait que l’ensemble des consommateurs accèdent à de l’alimentation carnée, à des prix raisonnables. Lorsque certains acteurs agro-industriels se disent favorables à sa remise en cause, alors qu’ils ne rémunérèrent pas les éleveurs au coût de production, je trouve cela un peu fort. S’ils payaient plus cher, les agriculteurs pourraient envisager de mettre les volailles en plein air — encore que cela peut aussi se discuter — ou avoir des méthodes moins intensives. Ensuite il y a déjà eu des évolutions. Sur les poules en cage comme sur la volaille de chair, les normes ont été redéfinies plusieurs fois.
Que pensez-vous des attentes des associations welfaristes ?
Elles visent vraiment à une meilleure prise en compte du bien-être animal. Elles veulent aller un peu trop vite, parfois en étant déconnectées des capacités d’adaptation des filières. Essayons de faire converger vers des dates réalistes les évolutions possibles de la législation et de la réglementation. Il faut que ce soit économiquement acceptable par la filière. Il y a aussi la limite du prix. En plein air ou au moins avec un accès à l’extérieur, ce ne sera pas le même coût. Est-ce que les importations moins chères et avec moins de contraintes prendront la place de nos productions ? Si les industriels de l’agroalimentaire acceptent de payer plus cher, on peut adapter les systèmes de production en fonction du prix d’achat.
Quels sont les points d’amélioration qui peuvent aboutir rapidement ?
Sur les poules en cage, je pense que c’est à peu près réglé. En discutant avec la filière – même si elle n’est pas tout à fait d’accord – on va vers la construction des nouveaux bâtiments sans cages pour les poules pondeuses. Y compris avec des poules au sol. Il faut mobiliser la recherche pour trouver des méthodes alternatives qui n’engendrent pas des coûts de production multipliés par dix. Parce que l’on ne sera pas capable de les placer sur le marché.
Un éleveur qui restructure son élevage, dans quelle situation se trouvera-t-il ?
Il a le droit de restructurer son bâtiment. S’il passe des poules en cage aux poules au sol, il n’y a pas de souci. Il faut qu’il y ait des alternatives. Il y a des méthodes en bâtiment qui peuvent être acceptables socialement. Nous devons sortir de l’émotion permanente, du blanc ou noir. À l’extérieur, il y a des questions de prix qui se posent, de foncier disponible ou non.
Mais on ne peut pas dire non plus au public : « Circulez il n’y a rien à voir ». Les consommateurs ont un droit de regard sur ce qu’ils mangent. Il faut avoir une communication proactive. Tous ceux qui ont accès aux médias doivent bâtir un discours mesuré : les gens comprennent quand on leur explique par exemple que les lapins en plein air se mangent entre eux.
Une proposition de loi est en préparation par les députés de votre groupe ?
Je ne la connais pas dans le détail, même si je fais aussi partie du groupe sur la condition animale. J’y siège peu. Ils seraient davantage sur les aspects animaux de cirque, de zoo de delphinarium… Mais même s’il n’y avait rien dans leur proposition de loi sur l’élevage, lors des débats à l’assemblée nationale, cela arriverait sur le tapis. Je préfère des mesures ministérielles.
Le ministre va-t-il avancer sur quelques dossiers ?
J’ai toujours plaidé pour que cela se fasse en coopération avec les filières, avec des délais cohérents. Que l’on n’avance pas sans de manière déconnectée et abrupte, mais en négociation avec les filières. Posons-nous calmement, regardons ce que dit la science. Si on court après les ONG environnementalistes sur le bien-être animal, ce ne sera jamais assez. Sur l’abattage rituel, on n’a pas réussi à avancer. Parce qu’on les a caricaturés, monde musulman s’est replié sur lui-même et est revenu à ses fondamentaux. Sur ce dossier, il faut avancer avec les religions. Sinon il y a le risque d’importation de viande halal ou casher.
Vous avez l’oreille du président. Quelle est sa position ?
C’est un pragmatique. Je pense que sa position c’est plus ou moins celle que je défends, à savoir qu’on n’est pas là pour imposer de façon péremptoire. Encore faut-il que les filières se saisissent de ce sujet-là. Sinon les ONG vont pousser à la réglementation. Il faut proposer, avancer, sans attendre non plus que les propositions viennent de l’État.
Quelle est la filière la moins réceptive ?
En porc, même s’ils ont la volonté de le faire, c’est complexe de trouver des systèmes alternatifs. La volaille semble plus prête à évoluer. Et les œufs des poules en cage ne se vendent plus. Donc il faut bien trouver des solutions.