«Présent il y a sept-huit ans en Limagne, le charançon de la betterave remonte petit à petit au Nord, confirme Cédric Royer, responsable de la protection des cultures à l’ITB (institut technique de la betterave). Cela est potentiellement en lien avec le changement climatique. »
Présent depuis trois ans dans le Centre-Val de Loire et l’Yonne, Lixus juncii poursuit son extension dans l’Aube et la Seine-et-Marne. La Marne et le sud des Hauts-de-France commencent également à être touchés. Il peut occasionner 5 % de pertes de rendement, toutefois les galeries qu’il creuse au niveau du collet des betteraves sont une porte d’entrée au champignon Rhizopus. Dans ces cas-là, les pertes peuvent monter à 50 %, voire plus.
Si on parle plus souvent du puceron responsable de la jaunisse dans les parcelles, « la lutte contre ce charançon devient un élément primordial dans l’itinéraire technique », considère l’ITB. Car il pourrait mettre en péril la culture. Et la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves) d’insister : « Nous avons besoin d’un plan d’innovation prioritaire pour ce ravageur, sur le même modèle que le Plan national de recherche et d’innovation mis en place sur la jaunisse pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes. »
Empêcher la ponte
Le lixus arrive par le bord des chemins, il faut donc suivre les premiers vols par piégeage et observation visuelle, afin de déterminer les dates de traitements. « L’objectif est d’empêcher la ponte dans les betteraves. Une fois que les larves migrent dans les racines, on ne peut plus rien faire », alerte Cédric Royer. Des pyrèthres sont autorisés (Karaté Zéon et Décis Expert) mais leur efficacité est partielle. Et, à ce jour, il n’existe pas de moyens de lutte alternatifs.
Plusieurs projets de recherche sont prévus afin de mieux connaître ce ravageur. Ils rassemblent les différentes filières confrontées à la même problématique (les betteraves porte-graines, les potagères et sucrières).
Différences variétales
L’ITB a ainsi des projets avec différents partenaires : la Fnams (1), l’Inrae, Cristal Union, Tereos, la chambre d’agriculture du Loiret et un laboratoire d’entomologie. Le but est d’expliquer les différences de comportement du lixus en fonction des variétés et d’en savoir plus sur la biologie de ce charançon : quels sont ses lieux d’hivernation, quand ont lieu les accouplements et comment peut-on les éviter d’une manière ou d’une autre ? Il s’agit aussi de comprendre les dynamiques de vol jusqu’aux parcelles de betteraves.
« Une fois que ces points-là seront mieux connus, l’objectif est de travailler sur des produits de biocontrôle, des médiateurs chimiques, des plantes compagnes qui permettraient d’éviter au lixus d’arriver dans les parcelles de betteraves… », liste Cédric Royer. L’ITB prépare, par ailleurs, un outil « Alerte charançon » comme ce qui existe pour les pucerons et les maladies. « Il sera prédictif des pics de vols alimentés par les données “Vigicultures”, signale Anne-Laure Chambenoit, de l’ITB Centre-Val de Loire.
Isabelle Escoffier
(1) Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.