L’histoire

Laurent et son épouse, propriétaires de divers biens agricoles, qu’ils mettaient en valeur, en avaient donné la nue-propriété à leur fils Pierre, par acte du 22 juin 2001. Quelques années plus tard, souhaitant mettre fin à son activité, par acte du 22 mars 2009, Laurent agissant seul, en qualité d’usufruitier, avait donné à bail à Marc diverses parcelles comprises dans les biens donnés à Pierre.

Le contentieux

Venu aux droits de ses parents, décédés respectivement en 2011 et 2012, Pierre devenu plein et entier propriétaire, à la suite de ces décès, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en nullité du bail consenti à Marc. Ce dernier avait, pour sa part, formé une demande reconventionnelle et subsidiaire portant sur la désignation d’un expert en vue d’établir un compte de sortie de ferme entre les parties, sur le fondement de l’article L. 411-69 du code rural.

Avant de se prononcer sur la demande de Marc, les juges paritaires devaient trancher la question de la validité du bail. En la cause, les juges avaient annulé le bail, comme ayant été consenti par Laurent sans le concours de son fils, nu-propriétaire.

Mais, pour autant, la demande d’ouverture d’un compte de sortie de ferme formée par Marc, pouvait-elle prospérer malgré l’annulation du bail ? Pas de doute pour les juges paritaires et pour la cour d’appel. Même en cas d’annulation d’un bail rural signé par l’usufruitier sans le concours du nu-propriétaire, le preneur est recevable à solliciter le bénéfice d’une indemnité de sortie. Aussi, avant dire droit, les juges avaient-ils ordonné une expertise judiciaire en vue de l’évaluation de l’éventuelle indemnité due à Marc.

Saisie par Pierre, la Cour de cassation a censuré cette solution. La nullité emporte l’effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale. Il en résulte que le preneur dont le bail a été annulé et est donc censé n’avoir jamais existé, ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds. Aussi, dès lors qu’ils avaient constaté la nullité du bail consenti à Marc, les juges ne pouvaient ordonner une expertise en vue de l’évaluation de l’indemnité de sortie.

L’épilogue

La cour d’appel de renvoi ne pourra que s’incliner devant cette solution bien sévère pour Marc. Le bail étant annulé, il perd toute chance d’obtenir une indemnité de sortie au titre des améliorations réalisées sur les parcelles louées depuis son entrée dans les lieux.

Tout au plus, pourra-t-il tenter d’obtenir réparation de son préjudice en invoquant la faute de Laurent, usufruitier, responsable de la signature irrégulière du bail, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, qui pose le principe de la responsabilité du fait personnel. Mais en raison du décès de ce dernier, l’action devra être poursuivie contre Pierre.