L’histoire

La société civile immobilière de la Sainte Baume avait conclu avec Noël un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d’habitation, situés au cœur d’un massif. La convention était consentie pour une durée de cinq années, à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduite à son terme en 2014 et en 2019. Le 25 septembre 2019 la société de la Sainte Baume avait délivré à Noël un congé, qu’il avait contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Le contentieux

Outre l’annulation du congé, Noël avait, en 2020, demandé au tribunal paritaire de lui reconnaître l’existence à son profit d’un bail rural soumis au statut du fermage. Bail rural ou convention pluriannuelle de pâturage ? Le tribunal devait choisir.

Selon l’article L.481-1 du code rural, une convention pluriannuelle d’exploitation agricole ou de pâturage peut être conclue dans les zones de montagne et dans les espaces à usage de pâturage extensif saisonnier tels que déterminés par le préfet. Mais une telle convention peut être requalifiée en bail rural lorsque les loyers excèdent le maximum prévu par l’arrêté préfectoral. Noël s’était donc prévalu d’un loyer exorbitant au regard des valeurs fixées par le préfet pour solliciter la requalification en bail rural.

« Il s’était prévalu d’un loyer exorbitant pour demander la requalification »

Cependant, la société avait fait valoir devant le juge une fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale fixée par l’article 2224 du code civil. Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Aussi, la convention pluriannuelle de pâturage ayant été consentie à compter du 1er avril 2009, la demande de requalification, formée en 2020, soit plus de dix ans plus tard, était bien prescrite.

Le tribunal paritaire et la cour d’appel avaient donné raison à la société et accueilli la fin de non-recevoir. Le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction.

Mais la Cour de cassation a jugé que si l’action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l’action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d’effet. Or la convention consentie par la société de la Sainte Baume, à compter du 1er avril 2009 pour une durée de cinq ans, s’étant renouvelée par tacite reconduction les 1er avril 2014 et 1er avril 2019, l’action en requalification, introduite en 2020, n’était pas prescrite.

L’épilogue

La censure de l’arrêt d’appel s’est imposée. La cour de renvoi devra donc écarter la prescription et déclarer l’action de Noël recevable. Il pourra à nouveau solliciter la requalification en bail rural.