L’histoire

Aux termes d’une convention conclue le 14 avril 1990, qualifiée de bail rural, Marthe avait autorisé Laurent, exploitant agricole, à entreposer du matériel agricole dans un vaste hangar lui appartenant. Cette convention, qui s’était renouvelée, à deux reprises les 14 avril 1999 et 14 avril 2008, était venue à son terme le 14 avril 2017. À cette date, à la suite d’une évolution dans la conduite de son exploitation, Laurent avait reconnu que les matériels entreposés dans le hangar n’avaient plus d’usage agricole effectif. Aussi, les parties avaient-elles admis qu’aucune redevance n’était due au titre de l’occupation du hangar.

Le contentieux

Estimant que désormais Laurent occupait le hangar sans droit ni titre, Marthe avait saisi la chambre de proximité du tribunal judiciaire et sollicité sa condamnation à enlever le matériel du hangar. Par voie reconventionnelle, Laurent avait revendiqué le bénéfice du statut du fermage et le droit au renouvellement du bail à compter, rétroactivement, du 14 avril 2017.

Selon l’article L. 411- 46 du code rural, le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l’un des motifs graves et légitimes autorisant la résiliation ou n’invoque le droit de reprise dans les conditions prévues par la loi. Aussi, pour Laurent aucune raison ne pouvait justifier le refus de renouvellement du bail. Et la circonstance que depuis quelques années, les parties avaient renoncé à conférer à l’occupation du hangar un caractère onéreux, était sans incidence sur la qualification du contrat et sur son droit au renouvellement.

Pour s’opposer à cette prétention, Marthe s’était retranchée derrière l’absence, depuis trois années, de contrepartie onéreuse de la convention, laquelle constitue, selon l’article L. 411-1 du code rural, un des éléments constitutifs du bail rural. Aussi le bail initial s’était-il nové, depuis trois ans, en convention d’occupation précaire et gratuite à laquelle il pouvait être mis fin à tout moment.

Les juges avaient suivi Marthe. Le renouvellement du bail devait être écarté selon eux. Mais saisie par Laurent, la haute juridiction a censuré l’arrêt d’appel.

L’épilogue

Devant la juridiction de renvoi, Laurent pourra faire valoir son droit au renouvellement de son bail à compter, rétroactivement, du 14 avril 2017 pour une nouvelle période de neuf ans et continuer à entreposer son matériel, même s’il a perdu son usage agricole effectif. De cette histoire, on retiendra que les aléas du titre onéreux (paiement irrégulier, retardé ou absent) dont les parties sont initialement convenues, n’affectent nullement la qualification du contrat au cours de son exécution.