L’heure est au premier bilan, huit mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle assurance multirisque climatique (MRC). Le dispositif repose désormais sur un système universel de partage du risque. Les pertes faibles sont supportées par l’exploitant, l’assurance récolte couvre les risques modérés puis au-delà d’un certain niveau de perte, l’État intervient au travers de la solidarité nationale. Le calcul des pertes est harmonisé entre les assureurs et la solidarité nationale et s’appuie sur la moyenne olympique. L’objectif ? Développer la couverture assurancielle de toutes les productions contre les aléas climatiques.

Hausse des surfaces assurées

La loi fixe que d’ici à 2030, 60 % des surfaces en grandes cultures et viticulture ainsi que 30 % des surfaces en arboriculture et prairies soient assurées. « Aujourd’hui, tout assureur confondu, on évalue les surfaces assurées à environ 12 % en arboriculture, 10 % en prairies, 30 % en grandes cultures et plus de 40 % en viticulture, se réjouit Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l’agriculture et de la prévention de Pacifica. Malgré une année de transition avec des éléments de réforme communiqués au fil de l’eau, nous avons constaté un intérêt des agriculteurs à mieux se sécuriser. »

L’assureur a vu le nombre de ses contrats multirisques climatiques bondir de 74 %. « Nous assurons désormais 1 500 000 ha contre 880 000 en 2022 », note-t-il. Même constat chez Groupama. « Nous avons signé près de 9 000 contrats supplémentaires, soit une augmentation d’un million d’hectares », note Nadia Roignant Cres, directrice du marché agricole. De son côté, Abeille Assurances a vu son nombre de contrats MRC augmenter de 6 %.

Démarrage encourageant pour les prairies

Tous les groupes de culture auraient progressé. « Nous pensions avoir atteint un plafond de verre en viticulture et grandes cultures, mais pas du tout, rapporte Jean Michel Geeraert. On note une augmentation de 42 % de nos clients en grandes cultures et 53 % en viticulture, c’est une jolie performance. » Malgré une hausse globale des contrats souscrits, la protection en arboriculture reste encore faible. « Les offres sont encore jugées onéreuses et le barème de prix subventionné jugé trop bas », commente Groupama.

Alors qu’une partie des éleveurs contestaient l’utilisation de la méthode indicielle pour le calcul des pertes fourragères, les assureurs dressent un premier bilan positif sur le développement de l’assurance des prairies. À eux deux, Groupama et Pacifica assurent près de 1,5 million d’hectares de prairies avec quelques disparités régionales. « Le Massif central a été très mobilisé car la réalité des aléas climatiques rend l’assurance fortement indispensable, commente Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles de Groupama. Il s’agit d’une des régions les plus concernées par l’ancien dispositif des calamités agricoles. […] La prochaine année va être déterminante. »

Une nouvelle année de transition

Car la réforme n’est pour l’heure pas totalement aboutie. Les prérogatives de l'interlocuteur unique restent encore à ajuster pour la future campagne. Cette année, ce sont les assureurs qui se chargent, pour le compte de l’État, du versement de l’indemnisation de solidarité nationale de leurs clients en cas de pertes de récolte. Les exploitants agricoles non-assurés sont indemnisés par les DDT. Mais le dispositif doit évoluer pour la prochaine campagne. Les assureurs devraient continuer à gérer l’indemnisation de solidarité nationale des cultures assurées de leurs clients, ainsi que celle des cultures non-assurées de ces mêmes clients. Les agriculteurs qui décideront de ne rien assurer du tout continueront de s’adresser aux DDT (hors prairies qui, elles, seront gérées par les assureurs qu’elles soient assurées ou non). Ce fonctionnement reste toutefois soumis à la validation du ministère de l’Agriculture. La pleine application de la loi, qui prévoit que les assureurs deviennent les interlocuteurs agréés de tous les exploitants — y compris les non-assurés — est prévue pour 2025.

Les assureurs auraient trouvé un accord de principe sur un modèle de fonctionnement du groupement d'assureurs qui doit permettre de regrouper les données sur les risques.

Autre dossier sur la table, le groupement d’assureurs. Ce dernier doit permettre de regrouper les données de connaissances des risques afin de pouvoir assurer tous les types de production. « Les assureurs qui n’ont pas encore dans leur catalogue l’assurance prairie ou arboriculture, le groupement d’assureurs va les aider à être présent sur ces cultures sans prise de risque importante puisque les risques seront partagés, explique Jean Michel Geeraert. Ils bénéficieront également d’un tarif technique de la part du groupement d’assureurs. Tout le monde va devoir appliquer les mêmes tarifs, il n’y aura plus de concurrence sur les tarifs sauf sur les frais de gestion. »

Les assureurs auraient trouvé un accord de principe sur un modèle de fonctionnement, le 4 juillet dernier. L’objectif est de « présenter un dossier complet à l’Autorité de la concurrence d’ici à la fin du premier trimestre de 2024 ». Car le temps presse. Si les assureurs ne réussissent pas à se mettre en ordre de marche, la loi prévoit que les pouvoirs publics puissent décider de la suite à donner au projet. « Je ne pense pas que ce groupement puisse avoir un effet pour la campagne de 2025 qui démarre au milieu de l’année 2024 », signale toutefois l’assureur.