« C’est un problème d’éducation, de méconnaissance. Les végans extrémistes qui font ça ne connaissent rien à l’alimentation, déplore Tristan Monteiro, de la crémerie Les Fromages de Gambetta. Ce ne sont même pas des néophytes, ce sont des béotiens. Ils ne font aucune différence entre du fromage laitier et du fromage fermier. Certains ne savent même pas que les vaches et les brebis ne produisent pas de lait toute l’année. Avec mes clients, c’est de la pédagogie tous les jours. Mais c’est à l’école que tout ça devrait être enseigné. »
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« Demeter protège les égorgeurs »
C’est la deuxième fois en deux ans que les commerces de bouche de la rue des Pyrénées dans le vingtième arrondissement de Paris sont frappés par ce type de délits injurieux. Le 31 août 2020 au matin, bouchers, charcutiers traiteurs, fromagers et crémiers (au total au moins cinq boutiques) ont découvert sur leur devanture, des tags insultants à leur égard et à celui des agriculteurs qui les fournissent : « éleveur = violeur », « fromage = carnage », « Pas ta mère, pas ton lait », « L’élevage m’a tué » ou encore « Demeter protège les égorgeurs ».

« Y’en a marre de ces végans extrémistes ! reprend Tristan Monteiro. Banaliser le viol en plus… Moi, ça m’écœure pour les vraies victimes. J’essaie de garder la tête froide, mais c’est lamentable. Et ils représentent un pourcentage tellement infime de la population. Ce matin, je n’ai pas entendu un passant me dire : “Ils ont raison” ou encore “Je comprends parce que je suis végane”. Pas un. Mes clients comme les passants condamnent ces actes qu’ils trouvent inadmissibles. »
Ce crémier s’étonne par ailleurs que ces tagueurs ne s’en prennent toujours qu’aux plus « petits » : « Ils n’ont aucune position sur les grandes surfaces, sur les coopératives, les agro-industriels… On ne les entend pas là-dessus. C’est parce qu’ils n’y connaissent rien à rien. »
« On mélange tout dans ce référendum »
La problématique des poules en cage, selon lui, n’est pas aussi simple. « On ne mettra jamais du jaune d’œuf pasteurisé « de plein air », dans les pains au chocolat des agro-industriels. Si on arrête les poules en cage, on ira le chercher ailleurs, en Pologne ou en Roumanie. J’estime que les industriels ont aussi leur place, certains soutiennent des appellations à bout de bras… » Et ce n’est pas un référendum sur les animaux qui va faire avancer le débat, poursuit-il : « On mélange tout, c’est n’importe quoi. La chasse à courre, l’élevage, les animaux domestiques… Ça ne fait qu’exacerber les positions… »

La seule façon pour lui de faire avancer le débat serait de « trouver un végan issu de l’industrie laitière ou de la viande. Celui ou celle-là aurait peut-être les vraies clés du débat. Et il ou elle ne viendrait sûrement pas taper sur ceux qui possèdent seulement 35 vaches, qui vendent tout leur lait à la coopérative et qui essaient de vivre comme ils peuvent… Ils ne viendront pas leur dire qu’ils sont des violeurs. »
Le droit de choisir son alimentation
Tandis qu’il continue de nettoyer sa vitrine, Tristan Monteiro défend l’idée du choix : « Aucun modèle ne doit être imposé, et chacun doit pouvoir choisir ce qu’il veut manger. » Formé à l’école nationale de l’industrie laitière, ce crémier présente 60 % de références achetées en direct, et 90 % de son magasin propose des produits fermiers.