À l'occasion de la semaine mondiale pour le bon usage des antibiotiques, l'Anses a présenté le bilan annuel du suivi des ventes de médicaments vétérinaires et celui du niveau de résistance des bactéries pathogènes chez les animaux. 

"Ces deux suivis complémentaires montrent des tendances parallèles, témoignant de l'effet du niveau d'utilisation des antibiotiques sur la fréquence des bactéries résistantes", souligne l'agence dans un rapport diffusé le 17 novembre 2022. 

Un palier semble être atteint chez les bovins 

En 2021, 371 tonnes d'antibiotiques ont été vendues. C'est 10,7 % de moins par rapport à l'année 2020 et –59,5 % depuis 2011, année de référence pour le premier plan Ecoantibio

Au-delà du suivi des tonnages, les spécialistes évaluent un indicateur d’exposition des populations animales appelé ALEA. Il peut s'exprimer en pourcentage d'animaux traités. Depuis 2011, cet indicateur est en repli de 47 %. 

Entre 2020 et 2021, la plus grosse baisse concerne la filière cunicole, témoignant de sa forte implication dans la réduction des usages des antibiotiques (–12,7 %). Chez les porcs, l'exposition des animaux a réduit de 7,2 %. En volailles, la baisse est estimée à 8,6 %. Les bovins affichent la baisse la plus modérée, à 0,9 %.

Objectifs atteints pour les antibiotiques critiques

S'agissant des antibiotiques d'importance critique (1), dont l'efficacité est cruciale pour soigner des maladies graves chez l'être humain, l'exposition des animaux d'élevage semble avoir atteint un seuil bas.

Les tonnages et l'exposition  des animaux, toutes espèces confondues, à ces molécules avaient chuté drastiquement dès 2013. Mais "un bruit de fond de résistance persiste depuis 2017", analyse Jean-Yves Madec, directeur scientifique en charge de l'antibiorésistance à l'Anses, lors d'un point avec la presse le 15 novembre. "Les taux restent pour autant extrêmement maîtrisés", rassure-t-il. 

De nouveaux défis pour la France

Bien que les filières d'élevage françaises aient largement atteint les objectifs de réduction fixés en médecine animale (2), "de nouveaux défis les attendent", indique Franck Fourès, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) de l’Anses.

Le pacte vert pour l'Europe ambitionne en effet de réduire de 50 % les ventes globales d'antibiotiques pour les animaux d’élevage et l'aquaculture dans l'Union européenne d'ici à 2030.

En parallèle, "le nouveau règlement européen (3), qui prévoit d'étendre le suivi à l'ensemble des antimicrobiens (antibiotiques, antifongiques, antiprotozoaires, antiviraux), fixe des jalons importants", reprend Franck Fourès. 

Les efforts des filières animales, qui ont déjà fait leurs preuves, doivent donc se poursuivre. "La France maintient une volonté claire de rester dans des objectifs de réduction pour éviter l'impasse thérapeutique et les éventuels transferts de gènes de résistance", rapporte Gilles Salvat, directeur général délégué responsable du pôle de recherche et référence à l'Anses. 

"Pour continuer à améliorer l'état de santé des animaux, sans utiliser d'antibiotiques, il faudra certainement faire évoluer nos pratiques d'élevage", poursuit l'expert, évoquant comme pistes la sélection de races plus robustes, le plein air ou encore l'agroécologie. 

(1) Céphalosporines de dernières générations, fluoroquinolones, colistine.

(2) Dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF) ou les deux plans Ecoantibio.

(3) Les critères pour la désignation des antimicrobiens sont définis dans le règlement délégué (UE) 2021/1760. Sur cette base, la Commission européenne a adopté une liste des antimicrobiens ou groupes d’antimicrobiens réservés au traitement chez l’homme le 19 juillet 2022, dans le règlement d’exécution (UE) 2022/1255, indique l'Anses.