La loi sur la santé animale, entrée en application en 2021, et les nouvelles mesures européennes en faveur de la lutte contre l'antibiorésistance (1), définies cette année, laissent présager une surveillance accrue de l'utilisation des médicaments vétérinaires en élevage.
À l'occasion du congrès d'Elvea France, le 8 septembre 2022 à Orléans (Loiret), Pierre-Alexandre Heckly, vétérinaire chez Interbev, a apporté un éclairage sur l'application concrète en élevage bovin des nouvelles règles sanitaires en vigueur.
Veiller à maintenir une bonne fluidité commerciale
« L'exportation a un rôle de soutien des prix, il ne faut donc pas le négliger », rappelle-t-il. Selon la classification des maladies réglementées par la Loi sur la santé animale, tout État membre qui ne bénéficie pas d'un statut indemne ou qui ne rentre pas dans une démarche de maîtrise reconnue par l'Union européenne se voit imposé des contraintes sanitaires supplémentaires. « Elles s'accompagnent inévitablement de pertes économiques, en lien avec les coûts d'analyse et la mise en quarantaine des animaux », poursuit-il.

C'est le cas notamment pour la diarrhée virale bovine (BVD) et la fièvre catarrhale ovine (FCO), en catégorie C à éradication volontaire, dont la France n'a pas encore obtenu le statut d'un programme de maîtrise reconnu par l'Union européenne.
« Se lancer dans un plan d'éradication pour toutes les maladies bovines réglementées coûterait trop cher, mais il est important de veiller à faire des arbitrages sanitaires judicieux pour assurer une meilleure fluidité commerciale à l'exportation », soulève Pierre-Alexandre Heckly.
En faisant figure de bonne élève, la France sera en meilleure posture pour porter sa voix à la Commission européenne et imposer son modèle en matière de surveillance et de lutte, estime-t-il.
Une utilisation d'antimicrobiens de plus en plus encadrée
Par ailleurs, la nouvelle règlementation européenne sur les médicaments vétérinaires, adoptée en janvier 2022, limite de façon drastique leur utilisation en élevage. Désormais, les produits contenant des antimicrobiens sont soumis à prescription vétérinaire obligatoire.
Également, « le recours aux antimicrobiens de façon préventive (2) ne peut intervenir que dans des cas exceptionnels, définit l'Anses. L’administration du médicament ne doit concerner qu’un seul animal ou un groupe restreint d’animaux lorsque le risque d’infection est très élevé et que les conséquences ont toutes les chances d’être graves. »
Dans le cas de la métaphylaxie (3), l'utilisation de médicaments vétérinaires contenant des antimicrobiens « n’est possible que si le risque de propagation d’une infection dans le groupe d’animaux est élevé et qu’aucune autre solution appropriée n’est disponible ».
« De nouvelles notices sont à venir afin d'y voir plus clair », indique Pierre-Alexandre Heckly, qui reconnaît que les nouvelles dispositions sont difficiles à interpréter. Un constat partagé par Virginie Alavoine, inspectrice générale de la santé publique vétérinaire à la DGAL, et présente à ce congrès. Une chose est sûre, « les préoccupations sanitaires prennent de plus en plus de place dans les échanges avec nos partenaires européens », indique le vétérinaire d'Interbev.
(1) Les critères pour la désignation des antimicrobiens sont définis dans le règlement délégué (UE) 2021/1760. Sur cette base, la Commission européenne a adopté une liste des antimicrobiens ou groupes d’antimicrobiens réservés au traitement chez l’homme le 19 juillet 2022, dans le règlement d’exécution (UE) 2022/1255, indique l'Anses.
(2) La prophylaxie consiste à traiter de façon préventive un animal.
(3) La métaphylaxie consiste à traiter l'ensemble d'un groupe d'animaux lorsque certains sont malades.