« Les sécheresses à répétition et le sentiment d’avoir souvent “le nez dans le guidon” m’ont incité à repenser mon système d’exploitation. Mon seul regret aujourd’hui est de ne pas avoir pris le temps de me remettre en cause plus tôt, explique posément Bruno Ramousse, installé depuis 2003 sur l’exploitation parentale à Bellevue-la-Montagne, dans la Haute-Loire. A partir de 2015, les changements ont concerné le troupeau et les prairies avec une diminution du chargement et une diversification des implantations prairiales pour gagner en autonomie. »

Le nombre de vaches a de fait diminué pour passer de 55 mères limousines inscrites à 48 en 2020, puis à 45 aujourd’hui. L’éleveur décide aussi d’instaurer deux périodes de vêlage au lieu d’une seule à l’automne. Un tiers des vaches vêlent dès lors au printemps, ce qui dilue la charge de travail d’astreinte automnale. Des naissances en deux temps facilitent aussi un étalement des ventes, bénéfique pour la trésorerie. Sur un plan technique, l’âge au premier vêlage passe de 36 à 30 mois pour un lot de génisses. Les vaches suitées de veaux naissants valorisent bien l’herbe de printemps, les veaux nourris du lait maternel ne reçoivent aucun concentré.

Les mâles sont prioritairement vendus en reproducteurs. Plusieurs veaux entrent chaque année en station d’évaluation. ( ©  Monique Roque )

Diversification prairiale

L’éleveur met en place un pâturage le plus précoce possible avec les lots les moins exigeants (génisses, vaches non suitées) dès la fin de mars si le temps le permet. Un déprimage est systématique sur toutes les parcelles destinées à être fanées ou enrubannées. Le pâturage est tournant et rigoureusement géré à l’herbomètre. Le semis de prairies riches en légumineuses entre dans la stratégie de recherche d’une meilleure autonomie. Bruno Ramousse implante de la luzerne et différents trèfles (bien adaptés aux sols granitiques) en prairies multi-espèces sur 17 ha en rotation sur cinq ans. Les 5 ha de lentilles vertes du Puy AOP constituent d’excellentes têtes d’assolement.

« La diversification des rotations et des types de fourrages a amené de la résilience au système fourrager. »

Faisant suite à la forte sècheresse de 2015, l’éleveur intègre depuis 2016 du méteil (triticale-pois fourrager, vesce, avoine et blé) dans son assolement. Ce mélange enrubanné, voire moissonné, a permis de réduire les concentrés achetés de 2,32 kg/kg de viande vive (vv) produite en 2015 à 1,48 kg/kg vv en 2020. Des dérobées fourragères (sorgho et colza fourrager) sont également semées derrière le méteil ou les céréales. Fauchées ou pâturées, elles participent à l’autonomie du système alimentaire et protéique de l’exploitation. « Ces modifications m’ont permis d’augmenter la productivité des surfaces fourragères et la qualité des récoltes au point de trouver une marge de sécurité alimentaire et une réduction des concentrés. Un soulagement moral et économique appréciable ! », précise l’éleveur avec satisfaction. 

Vendre des reproducteurs

Animalier passionné, Bruno Ramousse conduit son troupeau avec un suivi technique poussé (pesée des animaux tous les 40 jours, travail sur la docilité…). La sélection génétique compte aussi parmi les fers de lance de son système. La reproduction fait appel à des taureaux d’insémination ainsi qu’à deux taureaux de monte naturelle achetés en copropriété. « En créant le GIE Lim’Avenir 43 (1) en 2012, nous nous sommes donné les moyens d’accéder collectivement à une génétique de haut de gamme et de vendre en conséquence des animaux d’une bonne valeur génétique, explique l’éleveur, qui privilégie depuis toujours la rusticité et les qualités maternelles de son troupeau. Depuis 2017, il a décidé de réorienter ses ventes sur la voie mâle et d’arrêter l’engraissement en taurillons au profit d’une vente de reproducteurs. Il en retire une plus-value intéressante et une économie en concentrés en plus de la satisfaction de valoriser le travail conduit sur la génétique du troupeau. Des veaux sont régulièrement placés à la station d’évaluation de la race limousine à Lanaud (Haute-Vienne). Sur la voie femelle, les ventes portent sur des velles d’un an, des génisses et des vaches pleines.

« Les génisses destinées au renouvellement ne reçoivent aucun concentré. Seules les vaches finies pour l’engraissement, vendues sous label rouge entre 500 à 520 kg de carcasse, en reçoivent aujourd’hui, précise l’éleveur. Des voies d’amélioration existent encore sur la sélection génétique du troupeau en veillant à ne pas augmenter le gabarit des animaux. Je commence cette année du vêlage à deux ans sur un lot de génisses avec l’objectif de réduire globalement le nombre d’animaux improductifs. Je dois aussi aménager des points d’eau sur les différentes parcelles. »

(1) Le GIE Lim’Avenir 43 regroupe 18 éleveurs sélectionneurs limousins de la Haute-Loire. Plusieurs ventes de reproducteurs sont organisées chaque année.