Par un jugement rendu le 28 juin 2023, le Conseil d’État a sommé l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) de supprimer l’interdiction de commercialiser, entre les 21 décembre et 30 avril, les légumes d’été produits sous serres chauffées (tomates, courgettes, poivrons, aubergines et concombres). Cette mesure avait été introduite en 2019 par l’institut dans le guide de lecture français des règlements européens qui encadrent la production biologique. L’Inao a indiqué le 29 juin 2023 avoir procédé à sa suppression.

Concurrence déloyale

Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a également annoncé avoir pris acte du jugement. Selon le Conseil d’État, « cette disposition plaçait juridiquement les producteurs français dans une situation de distorsion de concurrence par rapport aux produits importés » non concernés par l’interdiction, explique-t-il.

C’est la Felcoop (Fédération des coopératives de fruits et légumes, fleurs et pommes de terre) qui avait, avec la fédération des producteurs de légumes, saisi le Conseil d’État. Les deux organisations ont accueilli « favorablement » cette décision qui « autorise un retour à l’équité », par un communiqué du 7 juillet 2023.

Le président de la Felcoop, Jean-Michel Delannoy, a par ailleurs indiqué à l’AFP que cette interdiction n’avait pas réduit le chauffage des serres (les tomates cultivées sous serre pouvant être commercialisées en tant que produits conventionnels jusqu’au 1er mai) mais donné « quartier libre » aux importations. « Je ne veux pas qu’on nous interdise de produire ce que peuvent faire nos voisins », a-t-il ajouté.

Décarboner les serres

La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), qui s’oppose au chauffage des serres, s’était satisfaite de l’interdiction établie en 2019 même si elle aurait préféré « une interdiction pure et simple », selon les mots de son président d’alors, Guillaume Riou, rapportés par l’AFP. « La décision du Conseil d’État risque de pousser à l’industrialisation de la bio en France et au recul des exigences environnementales du label », a réagi l’organisation dans une déclaration à l’AFP. Elle ajoute vouloir « rapidement analyser toutes les voies de recours qui sont les nôtres pour continuer à défendre les plus hautes exigences environnementales en bio ».

« La problématique de la décarbonation des serres est évidente. […] Mais cela ne peut pas se faire en cinq minutes et sans moyens », a déclaré Jean-Michel Delannoy, plaidant pour que l’État consacre 25 millions d’euros d’aides par an à la décarbonation des serres chauffées. « Les trois campagnes de strict respect de l’interdiction de commercialisation sous label bio ont affecté la compétitivité des producteurs français dont les capacités d’investissements dans du chauffage en énergies renouvelables sont très affaiblies. Cette nécessaire transition énergétique exige pourtant des moyens et du temps, ont abondé la Felcoop et Légumes de France. Nous déplorons également une réduction significative des conversions et un ralentissement des installations. C’est une part de notre souveraineté que nous pouvons regagner aujourd’hui. »

Le ministère a quant à lui indiqué qu’il continuerait « à porter au sein des instances européennes une agriculture biologique respectueuse de l’environnement et des cycles naturels, dans le respect des attentes des consommateurs, et dans un contexte de réglementation harmonisée au niveau européen ».

Une tomate hors saison génère quatre fois plus de gaz à effet de serre « qu’une tomate produite à la bonne saison (entre juin et septembre) », selon l’Agence française de la transition écologique Ademe, cité par l’AFP.