« Les intentions qui sont poursuivies par ceux qui font la promotion du bio sont louables. Toutefois la démarche engagée n’est pas la plus adaptée pour y répondre. Le bio repose sur le biais de l’appel à la nature qui nous fait croire à tort que les produits “naturels” seraient préférables aux produits “synthétiques” diabolisés de l’agriculture conventionnelle. La filière se prive de solutions plus écologiques, plus productives et plus saines, comme les biotechnologies.

Vouloir faire plus de bio n’est pas forcément la meilleure approche. Le bio se développe, c’est indéniable. Mais la demande n’augmente pas suffisamment vite pour que l’offre suive. Il n’y a pas de raison de favoriser cette forme d’agriculture par rapport à une autre.

État interventionniste

Quand on regarde aujourd’hui les raisons du développement du bio, on constate que celui-ci n’aurait pas été si soutenu sans l’intervention de l’État et de l’Union européenne. Instaurer un quota minimal d’alimentation bio dans les cantines, c’est alimenter une partie significative du chiffre d’affaires du bio. Dans la Pac, il y a des subventions spécifiques à l’agriculture biologique, cette approche me paraît discutable d’un point de vue rationnel. Est-ce qu’on est légitime à vouloir piloter la forme d’agriculture qui doit émerger demain ? La concurrence doit faire apparaître les meilleures formes d’agriculture. Le consommateur a son mot à dire.

Je contredis l’argument de la filière qui est de dire que les autres formes d’agriculture touchent des subventions. C’est vrai, mais elles n’en touchent pas autant. Quand on regarde les chiffres à l’hectare ou au kilo produit, le bio est plus subventionné que les autres modes de production. Alors que dans l’idée même du bio, il y a l’idée d’être indépendant d’un point de vue économique. La campagne “Le bio à poil” dit que sans les subventions, on ne s’en sort pas.

La liberté d’entreprendre

Enfin, un élément qui soutient que l’offre est artificiellement gonflée par les pouvoirs publics, c’est de comparer les marchés européen et américain. Aux États-Unis, il y a beaucoup moins d’interventionnisme de l’État en faveur de l’agriculture et du bio a fortiori. On constate que la taille des marchés, en termes de demande, est similaire. Par contre, la conversion des producteurs sur les deux continents est complètement différente. Dans l’UE, on dépasse 8 % de la SAU contre 1 % aux États-Unis.

Il y a un grand enjeu de compétitivité, notamment en France. On impose aux agriculteurs des normes pas toujours justifiées. On leur interdit des outils, comme les biotechnologies, qui permettent de répondre aux défis environnementaux et sanitaires. Et de l’autre côté, on les empêche d’avoir une liberté d’entreprendre. On les assigne à un modèle agricole qui est celui de la petite exploitation familiale. Plusieurs modèles doivent se développer.

Il va falloir redonner aux agriculteurs une liberté d’entreprendre, leur laisser les outils pour innover. Une fois qu’ils les auront pour maîtriser leurs exploitations, on pourra progressivement éliminer leurs subventions.

Il est probable que si l’interventionnisme en faveur du bio est amené à être limité, on aura des conversions ralenties, voire diminuées. C’est un phénomène observé dans d’autres pays et qui a mené au retour du conventionnel. »

Propos recueillis par Alessandra Gambarini

 

(1) Le Mirage bio, Hugo Doc, novembre 2021.