Les 500 000 hectares exploités par l’Algérie dans le cadre de sa stratégie de développement de l’agriculture saharienne sont menacés par la stagnation des eaux d’irrigation à la surface. Ce phénomène favorise la hausse des taux de salinité des sols, les rendant infertiles.
Des hectares irrigués avec des eaux souterraines
Joignant sa voix à celles des agriculteurs ayant déjà soulevé ce problème, l’ingénieur agronome Rabah Ouled Heddar, exerçant dans la région de Ghardaïa, dans le sud de l’Algérie, tire la sonnette d’alarme. Il met en garde contre la problématique de l’accumulation des sels à travers les surfaces cultivées, due à l’absence de réseaux de drainage des eaux d’irrigation.
Dans ces régions extrêmement arides, les exploitations agricoles sont irriguées exclusivement par des eaux souterraines dont le taux de salinité est très élevé.
Le drainage fait défaut
Selon lui, en raison de la stagnation des eaux d’irrigation à la surface, « la plupart des anciennes oasis et bassins agricoles de basse altitude sont affectés par la hausse du taux de leur salinité en raison des lacs et étangs qui s’y forment ». Il estime à plus de 25 000 hectares la superficie qui a déjà perdu définitivement sa fertilité, notamment dans les wilayas (départements) d’El Oued, Ouargla, El Menia et Touggourt.
D’après des études effectuées sur les sols dans ces régions, plus d’un tiers des surfaces cultivées ne sont pas dotées de réseaux de drainage permettant l’évacuation des eaux salées, alors qu’« en l’absence de ces réseaux, une moyenne de 120 millions de mètres cubes d’eau par an, selon les estimations les moins pessimistes, s’accumule à la surface et aggravent la hausse de la salinité des sols ».
Des eaux avec 2 à 8 g/l de sel
Interrogé à ce propos, le pédologue Camara Karifa, expert en valorisation des terres agricoles dans le Sahara algérien, où il a encadré le lancement de plusieurs exploitations, a une explication. « L’accumulation des eaux d’irrigation dans le sud est la conséquence de la nature de la roche mère peu profonde et généralement gypsocalcaire alors que, dans la phase de mise en valeur, les agriculteurs ne réalisent pas les travaux d’amélioration foncière, pour briser les dalles afin de créer une bonne profondeur du sol et le rendre perméable. Ils ne travaillent que sur le petit volume de sol, généralement à texture sableuse, et ne font pas les amendements organiques pour donner au sol une bonne capacité de rétention des eaux d’irrigation. »
En conséquence, constate-t-il, « l’irrigation entraîne par la suite des accumulations des eaux en surface dans les parcelles », alors que, souvent, les agriculteurs, faute de moyens financiers, irriguent leurs cultures à partir des nappes peu profondes, dont les eaux contiennent entre 2 et 8 g/l de sel, au lieu de faire des forages plus profonds (plus de 100 mètres de profondeur) et atteindre les eaux à taux de salinité toléré par les sols (moins de 1,5 g/l).