Vous rapportez dans votre livre « Un chasseur en campagne » vos difficultés de dialogue avec Christiane Lambert. Comment ça va avec la présidente de la FNSEA ?

Aussi bien que d’habitude.

Est-ce à dire qu’il y a des hauts et des bas ?

On n’a jamais été bien haut… Nous faisons face, en ce moment, à une attaque qui est le référendum d’initiative partagée sur les animaux. Ce n’est pas rien pour le monde de l’élevage. Les éleveurs français, qui sont les plus vertueux de l’Europe, sont remis en cause, malgré tous leurs efforts.

 

Alors si pour se donner bonne conscience, il s’agit de supprimer l’élevage français et se rendre dépendant d’autres pays concernant notre consommation alimentaire, tout en développant la viande de synthèse… C’est inadmissible ! Je ne comprends pas les syndicats agricoles sur ce sujet, je ne les sens pas à la manœuvre.

 

Peut-être que cela agace que je me promène partout sur les plateaux de télévision pour présenter mon livre, et que je parle souvent au nom de la ruralité, car je n’en suis qu’une petite composante… Mais j’en suis une composante quand même.

Les syndicats agricoles s’opposent au référendum d’initiative partagée. Certains agissent auprès des parlementaires. Ça n’est pas assez ?

Que font-ils concrètement ? Le 8 octobre, la proposition de loi sur la maltraitance animale, déposée par le groupe EDS (Écologie Démocratie Solidarité) de Cédric Villani, va être poussée en séance à l’Assemblée nationale. Avec les 120 députés qui ont signé en faveur du référendum d’initiative partagée, que va-t-il se passer ? On ne sait pas. Si la loi est votée, elle partira au Sénat, puis reviendra à l’Assemblée nationale. Et ce sera mort.

 

Nous, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que la loi soit rejetée en séance. Nous allons voir les parlementaires, nous discutons avec les présidents de groupe. Bien sûr qu’il s’agit de pression. Mais les autres, vous croyez qu’ils font quoi en face ? Vous croyez que les écolos vont rester inactifs ?

Êtes-vous déçu de ne pas avoir pu faire alliance avec les agriculteurs autour de ce sujet ?

Oui, parce que j’ai le sentiment d’avoir une appartenance à ce monde agricole, même en étant le président des chasseurs. Ce sont toutes mes racines. Je ne demanderais pas mieux que de marcher dans les pas de Christiane Lambert, si elle prenait les choses en main. Peut-être qu’elle a une stratégie plus intelligente et meilleure que la nôtre. À moins qu’il ne se passe des choses qui m’échappent. Sauf que je n’ai pas l’impression qu’il se passe grand-chose.

 

Lors de notre manifestation à Prades, le 12 septembre 2020, contre le référendum, les agriculteurs auraient pu venir. Mais on ne les a pas vus. On nous dit qu’il y aurait eu des micro-actions… J’ai appelé le président de la FDSEA et de la chambre d’agriculture de mon département. Ils m’ont dit : « Oui… Peut-être… », mais ils ne sont pas venus. J’ai bien compris qu’il y avait un mot d’ordre. Peut-être que l’agriculteur pense que le cousin chasseur est un cousin gênant, qu’il peut précipiter les choses. Je pense que c’est une erreur et qu’il faut que l’on se défende ensemble.

Prévoyez-vous d’autres actions contre le projet de référendum ?

Comme nous sommes fortement gênés par le Covid-19, nous prévoyons pour la suite d’être dans la négociation au corps-à-corps avec les députés. Et de discuter avec des présidents de groupe. Il y aura des manifestations autour du 8 octobre. Je le vois sur les réseaux sociaux, ça bouge énormément. Eh oui ! je suis inquiet. 4,7 millions de signatures, c’est tout à fait atteignable. Surtout avec les vidéos que des militants ont en stock soit sur l’élevage, soit sur la chasse.

 

Ils iront toujours chercher un fait ultra-minoritaire qui fera pleurer dans les chaumières… enfin, dans les appartements des grandes villes. Et faire signer des gens après cela, ce ne sera pas difficile. Je pense qu’il faut se battre pour ne pas franchir le cap des 185 parlementaires. Nous mettons le paquet, et nous avons déjà réussi à convaincre plusieurs parlementaires de retirer leur signature par nos arguments.

Concernant les dégâts de grand gibier, vous indiquez dans votre livre vouloir cesser d’incarner « la vache à lait ». Qui peut payer avec vous ?

L’État, pas les agriculteurs. Eux, ce sont les victimes. Mais jusque-là, le gouvernement ne nous disait pas grand-chose. Aujourd’hui, le processus est enclenché, je pense que nous allons aller à la négociation, et que l’État va vouloir trouver un accord. Il nous reste à bien la mener. Et s’il y a accord, ce sera avant la fin de l’année. De toutes les façons, nous ferons évidemment ces négociations avec le monde agricole. On ne peut qu’associer le monde agricole.

Vous écrivez aussi que tant que l’on confiera le ministère de la Transition écologique aux écologistes, ça ne marchera pas. Avez-vous déjà proposé votre candidature pour ce poste ?

On ne me l’a jamais demandé ! La bonne personne, selon moi, serait un maire rural, agriculteur et chasseur. Cela ferait un excellent ministre de la Transition écologique.

Ce qui ne correspond pas tout à fait au profil de la ministre de la Transition écologique…

Barbara Pompili est une anti-chasse, et une femme aussi intelligente que dangereuse politiquement. Tant que j’ai affaire à des individus comme François de Rugy ou Nicolas Hulot, ça me va. Avec elle, c’est autre chose. Elle est douée en politique, et porte une idéologie très anti-chasse. Elle a un socle, c’est une dure. Elle a bien joué son entrée au gouvernement. Elle a dû avoir un discours ouvert sur la chasse avant d’être nommée, puis une fois qu’elle a été ministre, elle a revu ses positions.

 

Barbara Pompili est une anti-chasse, et une femme aussi intelligente que dangereuse politiquement.

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs

N’est-elle pas revenue en arrière sur le dossier des néocotinoïdes ?

Là, les agriculteurs ont été plus malins que moi. Ils lui ont fait manger son premier chapeau.

Pensez-vous que la chasse puisse disparaître un jour ?

Cela a déjà été fait. Le canton de Genève a décidé il y a quarante ans d’interdire la chasse. Aujourd’hui, 350 personnes armées jusqu’aux dents tirent la nuit, suivant des caméras thermiques, sur tout ce qui bouge. En réalité, ils n’ont pas arrêté la chasse, et ça leur coûte en plus une fortune. D’ailleurs, c’est pour ça qu’il y a deux ans, le canton de Zurich a débattu également sur le sujet et a voté en faveur du maintien de la chasse. Il existera toujours une forme de chasse, tant que l’homme et la nature seront en lien.

Willy Schraen, « Un chasseur en campagne », Éditions du Gerfaut (235 pages), 19,90 €.