L’agriculture est le secteur qui a le plus fort taux d’emploi de travailleurs détachés par rapport au nombre d’emplois salarié total dans la profession. L’emploi détaché y représente 2,2 % de l’emploi salarié privé du secteur, selon une étude du service de la statistique du ministère du Travail (Dares) publiée le 30 juin 2021 mais qui porte sur des chiffres de 2019. Pour dresser une comparaison, le taux de recours au travail détaché au niveau national et tous secteurs confondus est de 0,4 %.
Le travail détaché est un mode de recrutement où une entreprise basée en France sollicite les services d’une autre entreprise, qui a généralement son siège à l’étranger, pour lui fournir de la main-d’œuvre. C’est le fonctionnement ordinaire d’une société de travail temporaire, si ce n’est qu’il est international. Les salariés sont payés comme un salarié équivalent local mais les cotisations sociales sont celles du pays de la société étrangère. Celle-ci est le véritable employeur du salarié et elle demande une rémunération pour sa prestation. Ce système est aussi utilisé de façon plus minoritaire pour le travail frontalier et les mobilités internes dans les grands groupes.
Plus de 72 000 travailleurs détachés
Au cours de l’année 2019, 675 300 détachements de salariés ont été effectués en France. Ce chiffre n’est pas celui des travailleurs détachés eux-mêmes puisqu’un salarié effectue plusieurs missions au cours d’une année. Le détachement concerne donc 261 300 salariés pendant l’année 2019. Mais chacun de ces salariés n’est pas forcément présent en France au même moment que les autres. La Dares calcule donc que, chaque jour de 2019, 72 600 travailleurs détachés sont présents en moyenne en France, hors du transport routier qui fait l’objet de formalités particulières qui rendent impossible son interprétation statistique.
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La dépendance pour les récoltes et les vendanges
L’agriculture ne représente que 9 % de ce vivier avec 6 700 travailleurs détachés. Les autres secteurs employeurs sont la construction et l’industrie (environ 25 000 travailleurs pour chacun d’eux) et les services (14 600 travailleurs détachés). Tout comme les services (stations de ski alpin), l’agriculture connaît une forte saisonnalité des embauches en lien avec les récoltes et les vendanges dans la vallée de la Loire, en Champagne, dans la vallée du Rhône et sur le pourtour méditerranéen.
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Toutefois, pour évaluer l’importance du détachement dans le secteur concerné, la Dares rapporte ce nombre à l’ensemble de l’emploi salarié privé du secteur. Avec un taux de 2,2 %, le recours à ce type d’emploi est particulièrement intense en agriculture. C’est souvent le cas dans la moitié sud de la France avec un taux de recours de 9,7 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La Région Auvergne-Rhône-Alpes se distingue aussi avec un taux de recours de 3,7 %. D’une façon générale, le recours aux travailleurs détachés est important dans les zones viticoles, le pourtour méditerranéen et la Beauce pour les récoltes.
La Roumanie en force
En général, le travailleur détaché est un homme (à 92 %), plutôt plus jeune que la moyenne des salariés sous contrat. Ils proviennent très majoritairement d’un pays de l’Union européenne (78 %, y compris le Royaume-Uni à la date de l’étude). L’origine roumaine est surreprésentée en agriculture. La durée moyenne d’une mission en agriculture (104 jours) est proche de la moyenne du détachement en France.
Une pratique encadrée
La possibilité de recourir au détachement est encadrée par une directive européenne de 1996. Elle a été transposée en droit français puis entrée en vigueur en 2020. L’ampleur du détachement et les statistiques y afférant n’étaient pas vraiment possibles à établir auparavant. Depuis 2016, avec une forte montée en puissance en 2019, un portail, géré par la direction du Travail, contrôle les déclarations de détachement et permet de dresser une meilleure photographie de cette pratique.
Récemment, la pratique du travail détaché en agriculture a été mise en avant par l’actualité avec l’instruction et le verdict d’un procès d’une entreprise espagnole de travail détaché en agriculture dans le sud de la France. Cette même entreprise fera aussi l’objet d’un autre jugement en mars 2022 dans une autre affaire. Cette fois-ci, l’instruction a lié une dizaine d’agriculteurs utilisateurs qui ne sont pourtant pas les employeurs au sens strict mais se retrouveront sur le banc du tribunal.
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