L’accord verbal pour conclure un bail rural sur des terres agricoles vit-il ses dernières heures ? C’est en tout cas le souhait des députés Jean Terlier (La République en Marche) et Antoine Savignat (Les Républicains) auteurs d’un rapport parlementaire sur le régime juridique des baux ruraux.
Séduire le propriétaire
Parmi les principales mesures (lire l’encadré) qu’ils ont présentées à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2020, les députés souhaitent rendre les baux écrits et l’état des lieux d’entrée obligatoires. Les baux verbaux, représentant 50 % des baux du territoire national, sont jugés comme une source de litige et de contentieux. « On voudrait pour plus de sécurité imposer l’écrit de manière plus ferme en prenant en compte les pratiques locales et les spécificités des territoires. Par département, le préfet pourrait être amené à fixer la surface minimale en dessous de laquelle il pourrait dérogé à la règle de l’écrit », a expliqué Antoine Savignat en commission des lois.
La carotte fiscale reste à trouver
La signature du bail, stylos en main, pourrait conditionner le renouvellement du contrat au profit du fermier (3 au maximum, soit une durée de location totale de 36 ans) et d’éventuels avantages fiscaux dont pourrait bénéficier le bailleur. Face à la rigidité du statut du fermage qui pousse certaines propriétaires à ne plus louer leurs terres en les faisant travailler à façon ou en les laissant en friche, les députés souhaitent en effet sortir la carotte fiscale. Un levier qui a déjà fonctionné pour les baux à long terme, selon le rapport des députés rendu public le 23 juillet 2020. Si l’idée est lancée, aucun dispositif fiscal précis n’a pour autant été mis sur la table par les députés.
Engager une réflexion sur le « prix » des fermages
Pour continuer à tendre la main aux propriétaires, les deux corapporteurs souhaitent leur octroyer la possibilité de résilier le bail en cas de défaut d’entretien, sans avoir à démontrer la compromission de la bonne exploitation du fonds, « une démonstration presque impossible à faire » selon eux. En cas de non-paiement des fermages et de deux mises en demeure non suivies d’effet, le rapport propose que le juge ne puisse que constater la résiliation du contrat. Les élus sont également favorables à une réévaluation des prix des fermages afin qu’ils puissent correspondre à la réalité économique du rendement des terres. « Il ne s’agit pas de supprimer les minimum et maximum du barème mais d’adapter la formule pour arriver à un calcul plus fin », explique l’élu de la majorité Jean Terlier, qui a plaidé pendant 12 ans en tant qu’avocat dans les tribunaux paritaires des baux ruraux.
« Redonner un peu de souplesse contractuelle »
Face à ce statut de fermage de près de 75 ans un peu « ankylosé », les députés souhaitent instaurer une dose de libéralisme en donnant la possibilité au bailleur et au fermier de négocier certains points actuellement interdits. « Il s’agit de redonner un peu de liberté contractuelle, a lancé Jean Terlier en conférence de presse à l’Assemblée nationale. Les parties pourraient se retrouver d’un commun accord pour assouplir leur relation. » Propriétaire et exploitant pourraient ainsi s’accorder sur la possibilité d’activités annexes ou de sous-locations temporaires en contrepartie d’une majoration du fermage ou d’un partage des revenus.
Une proposition de loi prochainement débattue ?
Ce rapport maintenant remis, les députés espèrent que leurs réflexions seront reprises dans une proposition de loi avant la fin de leur mandat en 2022 ou dans le chapitre d’une loi foncière, qu’avait enterré Didier Guillaume, avant que son successeur au ministère de l’Agriculture, Julien Denormandie, lui entrouvre légèrement la porte. « Beaucoup de parlementaires sont volontaires sur ce sujet. On a réussi à faire converger des positions avec les auditions que nous avons réalisées pour rédiger ce rapport, souligne Jean Terlier. Le Covid a rendu le calendrier législatif contraint, mais pourquoi pas ? »