Sur le marché mondial, la « bombe russe » est l’événement majeur cette semaine. Plus la récolte avance et plus les rendements russes sont revus en hausse pour une récolte qui devrait dépasser maintenant allègrement les 75 Mt de blé. Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) vient de l’entériner dans sa publication mensuelle hier, le 10 août 2017, en retenant le chiffre de 77,5 millions de tonnes (Mt).
Une offre élevée en blé de qualité moyenne
Cette récolte record de blé en Russie pèse sur les cours. Le blé meunier russe a perdu 5 $/t, à 193 $/t, mais, pour le moment, il reste encore légèrement plus cher que le blé meunier français. L’effet de cette révision de la récolte russe a largement gommé la nouvelle dégradation de 0,5 Mt de la récolte de printemps aux États-Unis.
Dans ses dernières estimations, le ministère américain a en effet révisé à la baisse son offre nationale. La hausse des rendements prévus en blé d’hiver ne parvient pas à compenser le repli de ceux du blé de printemps. Ces derniers ont souffert de la forte sécheresse qui n’a pas laissé de répit aux états du nord du pays. Malgré cela, les blés américains ont vu leur prix baisser sur la semaine de 1 à 5 $/t selon les qualités.
Le bilan mondial du blé s’annonce ainsi contrasté : d’un côté un manque de blés très protéinés (du type des blés de printemps états-uniens) et de l’autre une offre très abondante à nouveau (et l’ampleur de la récolte russe y contribue) de blé de qualité moyenne, à taux de protéines plus bas (12,5 % et moins), ce qui devrait empêcher toute forte remontée des prix français au corps-à-corps avec les blés russes.
Des prix français soutenus par l’euro
Malgré le tsunami russe, les blés français ont évité le nouvel affaissement des prix mondiaux. Cela est en partie dû à la petite baisse de l’euro cette semaine après une appréciation importante depuis début juillet. Ainsi, après avoir plongé la semaine dernière, ils se sont stabilisés cette semaine, évoluant en légère hausse ou baisse selon les places.
Le blé meunier français a regagné 2,5 €/t à Rouen (à 160,5 €/t) et 0,5 €/t sur le Fob Moselle (à 162 €/t), tandis qu’à Creil il perdait 1,25 €/t (à 154,5 €/t). Les prix français ont aussi été soutenus par le retard et les inquiétudes concernant la qualité de la récolte de blé en Allemagne et en Europe du Nord.
L’orge fourragère soutenue par la demande saoudienne
L’orge fourragère rendu Rouen a gagné 1,75 €/t à 142,5 €/t. Les cotations sont soutenues par le nouvel appel d’offres saoudien dont l’origine française pourrait bénéficier au regard des derniers rapports de compétitivité qui lui donne l’avantage face aux origines de la mer Noire. En effet, sur le marché mondial, en prix Fob, l’orge française se retrouve à 172,5 $/t alors que l’orge russe est cotée à 178,5 $/t et l’orge ukrainienne à 177,5 $/t.
Il est inhabituel à cette période de la campagne que les orges de la mer Noire soient plus chères que celles d’Europe, car ces dernières sont en général soumises à une pression de dégagement. Or, cette année, la récolte d’orge va chuter en Russie et en Ukraine, ce qui soutient les prix mer Noire. Par ailleurs, au départ de Russie, les orges sont actuellement en compétition avec de gros volumes de blé.
Baisse des prix brassicoles malgré la demande
La récolte des orges de printemps est quasiment achevée sur l’ensemble du territoire et contrairement aux orges fourragères, les orges brassicoles voient leur prix dévisser de 5 €/t à 163 €/t pour celles d’hiver et de 6 €/t à 200 €/t pour celles de printemps. Les primes brassicoles ont fortement progressé en milieu de semaine atteignant jusqu’à 66 €/t pour le printemps et 28 €/t pour l’hiver. Ces hauts niveaux ne se justifiaient pas au regard des disponibilités.
Les prix ont donc reculé bien que La Pallice charge actuellement le premier bateau d’orge brassicole de la campagne à destination de la Chine. Si le flux vers la Chine s’intensifiait, cela pourrait stabiliser les prix, voire les soutenir.
Les maïs français impactés par le droit à l’importation
L’USDA, dans sa publication mensuelle, a révisé en baisse sa prévision de production américaine de maïs. Mais cette révision est minime : 359,5 Mt au lieu de 362 Mt précédemment. Cela a surpris beaucoup d’acteurs qui attendaient une révision à la baisse bien plus marquée. De toute façon, même avec une récolte de maïs qui descendrait sous le niveau de 350 Mt aux États-Unis, la situation mondiale resterait lourde et de nature à comprimer les prix.
Cette semaine, mardi 8 août, le droit qui s’applique aux maïs importés dans l’Union européenne est redevenu positif (un peu plus de 5 €/t) en raison de l’accroissement de la différence entre le prix des maïs américain à destination de l’Union européenne (UE) et le prix de seuil de 157 €/t (si le prix du maïs US importé descend à plus de 5 €/t en dessous du prix de seuil, le droit est activé).
En plus de l’ampleur de l’offre mondiale, l’activation de ce droit à l’importation a exercé une pression baissière sur les prix brésiliens et états-uniens, et haussière sur les prix européens et français. Le droit ne bloque pas du tout les importations, mais il peut les ralentir ou faire réfléchir à deux fois des importateurs qui ne souhaitent pas supporter les risques liés à ce droit.
Ainsi, les maïs français ont gagné, depuis la semaine dernière, 8 €/t sur le Fob Rhin (à 155 €/t), 3,5 €/t à La Pallice (à 160,25 €/t), tandis que le Fob Bordeaux est resté stable à 150 €/t. Les cotations brésilienne et américaine ont très légèrement reculé (-1 $/t à respectivement 163 $/t et 161 $/t).
L’état des cultures de soja aux États-Unis s’améliore
Le soja à Chicago a de nouveau reculé, de 6 $/t à 343 $/t. Cette baisse fait suite aux meilleurs rendements observés aux États-Unis et à la révision à la hausse des disponibilités pour l’exportation par l’USDA le 10 août. Le marché semblait prévoir une révision à la baisse du rendement par le ministère américain.
Le soja étant un peu plus tardif que le maïs, les récentes pluies lui ont été bénéfiques, et de nouvelles précipitations sont attendues au cours de la semaine à venir. D’ailleurs 60 % des plants de soja sont jugés dans un état bon à excellent, en hausse de 1 point par rapport à la semaine passée, mais en nette baisse, de 12 points, par rapport à l’année dernière.
Les statistiques de douanes pour le mois de juillet ont dévoilé un niveau record d’importation de soja pour la Chine, à plus de 10 Mt. Cet événement pourrait avoir limité ponctuellement la baisse du soja, qui devrait toutefois se poursuivre si les pluies aux États-Unis se confirment.
La sécheresse au Canada soutient le colza français
Les cotations de colza ont suivi une tendance haussière sur l’ensemble des places. Le colza a ainsi gagné 8 €/t sur le rendu Rouen (à 361 €/t) et 7,5 €/t sur le Fob Moselle (à 370,5 €/t). Sur Euronext, il n’a gagné que 2,5 €/t. Ces hausses significatives interviennent alors même que les résultats en France sont excellents et que le soja a dévissé à Chicago.
Les prix de colza français ont été soutenus par celui du canola canadien qui a gagné un peu plus de 3 $/t depuis la semaine dernière (à 398 $/t), la situation continuant de se dégrader au Canada. La sécheresse s’étend au sud de l’Alberta et du Saskatchewan et les températures sont élevées dans le Manitoba. Dans son dernier rapport l’USDA a revu en baisse les rendements. La production de canola est attendue en baisse significative d’une campagne sur l’autre.
Les cours du tournesol ont stagné depuis la semaine dernière à 340 €/t, les cultures en mer Noire présentent un assez bon potentiel de rendement et les surfaces élevées laissent présager d’un haut niveau de production.
Renchérissement du tourteau de soja français
Les tourteaux de soja ont évolué de manière disparate, car à Chicago les cours ont fortement reculé de 13 $/t (à 325 $/t) en sympathie avec ceux de la graine soja. À Montoir le tourteaux de soja a gagné 6 €/t à 306 €/t. Le léger recul de l’euro face au dollar explique en partie ce phénomène.
Le pois fourrager et le pois jaune voient leur cotation reconduite d’une semaine sur l’autre à respectivement 205 €/t et 215,5 €/t. Les récoltes françaises ont nettement progressé d’une campagne à l’autre.
A suivre : poursuite des récoltes de céréales en Russie et Europe du nord, début de récolte au Canada (canola) et aux Etats-Unis (soja), conditions en Argentine et Australie (blé et orge)