, les trois parlementaires rappellent qu’il existe des dérogations à l’abattage sans étourdissement notamment l’abattage rituel. « Ces dérogations sont souvent critiquées, argumentent-ils. À juste titre, car l’égorgement à vif d’un gros bovin dure près de dix minutes avant la perte de conscience de l’animal qui se débat dans des sursauts désespérés. Une telle cruauté relève d’un autre âge. » Le ton est donné.
Des dérogations qui passent mal
Selon les sénateurs, 95 % des dérogations à l’obligation d’étourdissement, sont délivrées dans le cadre de l’abattage rituel. Les autres concernent le gibier d’élevage et les abattages d’urgence. Les parlementaires s’interrogent sur « la légitimité de cette dérogation pour motif religieux » et sur « les abus de nombreux professionnels qui contournent la législation en présentant comme rituels des abattages réalisés par égorgement à vif, que pour des raisons de coût ».
Ce n’est pas la première fois que cet argument est invoqué, même si les abatteurs l’ont démenti. « L’égorgement à vif coûte moins cher qu’avec étourdissement préalable, assurent les sénateurs. Compte tenu des possibilités de dérogation, de nombreux industriels se sont donc engouffrés dans la brèche, au point que, selon diverses études, les deux tiers des animaux égorgés à vif n’étaient pas réellement consommés en tant que viande casher ou halal. »
La laïcité en question
Les sénateurs argumentent aussi sur le terrain de la laïcité et de la liberté de culte qui, pour eux, ne peut justifier les dérogations pour abattage rituel. « La laïcité, c’est la séparation stricte de l’État et de la religion. Ce n’est pas pour autant que la religion peut servir de prétexte pour se soustraire à la règle générale applicable à tous. Pour cause de rites religieux, les croyants concernés pourraient sinon justifier le retour à la polygamie ou l’application de la charia. »
Les sénateurs n’en démordent pas : « Dans de nombreux pays, les pratiques d’abattage rituel sont interdites et les milieux religieux se sont adaptés sans difficulté. […] Une réflexion à moyen terme pourrait être engagée en ce sens en France. Dans l’immédiat, il faut au moins que la réglementation évolue afin d’empêcher le recours abusif aux abattages dérogatoires. La solution consiste à organiser l’information des consommateurs en imposant l’étiquetage. »
Informer le consommateur
Leur argumentaire débouche sur un principe de réciprocité : si « pour des motifs religieux interprétés de manière rigide, les juifs et les musulmans doivent pouvoir consommer des animaux égorgés à vif, […] les personnes relevant d’autres religions et les personnes attachées au respect du bien-être animal ou à la sécurité alimentaire ne doivent pas être forcées de consommer à leur insu de la viande provenant d’animaux égorgés à vif. »
Ce qui pour les sénateurs justifie un étiquetage de la viande auquel, « pour des raisons purement financières, les milieux religieux concernés sont radicalement hostiles. Ils considèrent que l’étiquetage ferait diminuer considérablement le nombre d’animaux égorgés au titre de la viande casher ou halal et que, faute de quantité suffisante, le coût de l’abattage rituel deviendrait alors trop onéreux. »
D’où leur proposition de loi qui rend obligatoire, « lorsque l’animal a été mis à mort par égorgement rituel, l’étiquetage des viandes et produits comprenant de la viande [pour] informer le consommateur et indiquer la religion l’ayant justifié. » Cette disposition s’appliquerait aux viandes ou aux produits à emporter, à livrer ou à consommer sur place, sans oublier les boucheries mais aussi les restaurants, cantines collectives, etc.
(1) Jean-Louis Masson, Christine Herzog et Claudine Kauffmann.