«Nos élevages sont à taille humaine, notre abattoir aussi », affirme Sylvette, qui élève des chèvres. Ce matin, avec six autres éleveurs, elle va abattre une cinquantaine d’ovins, caprins, porcins et bovins à l’abattoir du Vigan, dans le Gard. Après la diffusion par l’association L 214 de vidéos montrant des actes de maltraitance, celui-ci est resté fermé pendant plus d’un an. « J’ai dû arrêter la vente directe et commercialiser mes agneaux en vif », témoigne Dominique. D’autres se sont déplacés jusqu’à l’abattoir d’Alès, à 90 km. Mais le transport rajoute des frais et du stress pour les animaux.

Afin de conserver cette structure de proximité, des éleveurs ont constitué un collectif avec des associations et des consommateurs. En 2017, ils ont créé une SCIC (1), la Coopérative bouchère paysanne. Celle-ci a repris la gestion de l’abattoir en mars 2018, la communauté de communes du Pays viganais en restant propriétaire.

Quinze éleveurs ont décidé de réaliser eux-mêmes le travail d’abattage. Le challenge n’était pas évident. « Nous sommes allés voir des collègues qui pratiquent ainsi à Guillestre, dans les Hautes-Alpes. Cela nous a convaincus que nous pouvions y arriver », raconte Matthieu, éleveur de vaches allaitantes. « Nous avons suivi des formations sur l’hygiène et la manipulation des animaux, puis nous avons appris les gestes avec l’aide d’un ancien salarié », explique Stéphane, le président de la SCIC. Les services vétérinaires, ainsi qu’un ancien directeur d’abattoir, les ont aussi accompagnés.

Un nouveau métier

« C’est un nouveau métier ! À chaque étape, il y a des règles détaillées à respecter », poursuit Rémi, éleveur ovin. L’étourdissement et la saignée restent deux étapes délicates. « Il faut bien vérifier l’état d’inconscience, c’est le point le plus sensible pour respecter l’animal », relève Stéphane. Les gestes doivent être assurés et précis. Aujourd’hui, chaque étape est bien maîtrisée, une satisfaction pour tous.

Après une période probatoire, l’agrément a été obtenu en janvier 2019. Les éleveurs se remplacent pour assurer un abattage par semaine et reçoivent une indemnité en tant que tâcherons. « Nous aurions besoin que quelques éleveurs renforcent l’équipe pour nous relayer plus facilement », confie Stéphane.

Leur objectif est de passer de 4-5 tonnes par mois à 7-8 tonnes. « Nous sommes ouverts à tous. Il n’est pas nécessaire d’adhérer à la SCIC pour faire abattre ici », rappellent-ils. La qualité du travail effectué motive des clients à revenir. « En ce moment, nous recevons de nouveaux appels chaque semaine. C’est encourageant ! », se réjouit Matthieu.

Frédérique Ehrhard

(1) Société coopérative d’intérêt collectif.