«J’ai eu beaucoup de chance. Mes parents m’ont toujours laissée faire mes choix », lâche Astrid Granger, la trentaine, pour expliquer l’orientation qu’elle a donnée à la ferme familiale de 200 ha, reprise en 2009 à Vaubadon (Calvados). Malgré sa passion pour les chevaux, un élevage équin et une activité de pension sur l’exploitation familiale, la jeune agricultrice avait envie d’autre chose. Si bien qu’après des études équines et cinq années passées comme salariée dans le secteur du cheval de course, elle a entrepris d’arrêter cette activité. « Aujourd’hui, je possède un cheval mais j’ai décidé que ce ne serait plus mon métier », relate l’éleveuse.
Tout réapprendre
Pour valoriser les 50 ha d’herbages, Astrid élève des charolaises. Un choix de raison qui est aussi devenu une passion. Un univers entier à explorer : « J’ai dû tout apprendre. Je ne savais pas comment faire vêler une vache. Quant aux travaux des champs, je ne m’y étais jamais intéressée. » L’agricultrice a su se former, s’imprégner de l’expérience parentale pour les cultures et s’entourer de professionnels auprès de la chambre d’agriculture, de Bovins croissance et de sa coopérative Agrial, avec un « excellent conseiller » en grandes cultures. « J’ai mis l’exploitation sur de nouveaux rails car j’étais soutenue par ma famille. Mes parents m’avaient prouvé que c’était possible. En 1998, ils ont lâché l’élevage de cochons sur paille pour celui des chevaux », explique-t-elle.
Mettre sur pied un troupeau de charolaises capable de dégager un revenu a été un challenge. La constitution s’est faite avec des animaux de faible valeur génétique, d’un côté, et le rachat de 11 femelles inscrites au herd-book, de l’autre. Astrid a développé son cheptel essentiellement par le renouvellement, pour aboutir à 50 vaches en race pure aujourd’hui, dont la moitié sont inscrites. De 2009 à 2012, Astrid a conservé une activité de pension de chevaux lui assurant des entrées de trésorerie régulières. « Ensuite, j’ai traversé une période difficile. Mon élevage de charolaises immobilisait beaucoup de trésorerie car je gardais les animaux pour le renouvellement. Mon élevage est désormais ma grande fierté. Mais il aurait peut-être été plus efficace d’acheter un troupeau de bonne qualité, quitte à emprunter. J’aurais pu vendre plus d’animaux plus vite. »
Combat syndical
Éleveuse dans le Bessin, au nord-ouest du Calvados, Astrid fait partie de ce petit territoire normand qui a été le premier à s’embraser au cours de l’été 2015. Elle s’est jointe aux cortèges au sein du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA), dont elle assure aujourd’hui la présidence cantonale. En 2016, elle a dégagé un EBE négatif et, aujourd’hui, « il manque encore des centimes au kilogramme de viande pour dégager un revenu », témoigne-t-elle. Elle a trouvé des débouchés plus rémunérateurs pour ses femelles engraissées à l’herbe auprès d’une GMS mais c’est plus compliqué pour les taurillons.
En grandes cultures, le combat est différent. « Mon père avait trouvé un débouché pour de l’avoine noire que je continue de produire. Pour le reste, la valorisation se fait sur la base des cours mondiaux sur lesquels nous n’avons pas de prise. Nous ne pouvons agir que sur les coûts de production », insiste l’éleveuse, qui a intégré un groupe culture de la chambre d’agriculture depuis cinq ans. Elle consacre chaque année 12 ha aux protéagineux et méteils pour améliorer les taux de protéine de son aliment de ferme. Elle traite à bas volumes, supprime les insecticides sur colza grâce aux associations variétales et se prépare à tester, pour la culture 2017-2018, une conduite rustique pour un mélange variétal de blé. Le premier fongicide sera remplacé par une macération d’ortie.
Depuis octobre dernier, son frère aîné est salarié sur l’exploitation. Lui aussi a travaillé dans des élevages de chevaux et il souhaiterait s’installer en association avec Astrid. Le chantier est lancé. Il reste à trouver une trentaine d’hectares qui permettraient d’assurer de l’activité pour deux UTH sur la ferme.