Le samedi 5 décembre 2020, une quinzaine d’agriculteurs a pris possession de 16 hectares de terres à Pecquencourt, dans le Nord. Ces terres appartiennent à la communauté de communes Cœur d’Ostrevant (CCCO). Le but, y semer du blé en catimini. Ce sont donc six charrues, quatre semoirs, un tracteur avec les semences et un télescopique pour les charger, qui se sont donné rendez-vous dès 13 heures.
Cette opération qui a duré près de 4 heures a été faite sans autorisation. « On s’est mobilisé et on a débarqué. C’était une opération coup de poing ! », relate à La France Agricole Camille Calvos, présidente des Jeunes Agriculteurs (JA) du Pays pévèlois.
16 hectares semés pour récolter 400 000 baguettes
Décidée il y a trois semaines par les JA Nord-Pas-de-Calais, cette opération vise à dénoncer « toutes les terres agricoles en friche sur lesquelles rien n’y pousse, ni bâtiment, ni cultures, explique Camille Calvos. En France, on perd 26 m² de terres agricoles par seconde, ce qui représente 65 baguettes. »
« Les 16 hectares de blé qu’on a semés représentent 400 000 baguettes potentielles. Le but est de pouvoir récolter, car on compte l’entretenir et récolter le blé d’ici à juillet. Si on peut le faire, on fera un don à une association », poursuit-elle. Et d’assurer : « On n’était pas là pour abîmer la terre mais pour l’embellir. »
Un constat dont se défend le président de la CCCO Frédéric Delannoy. Interrogé par La France Agricole, il affirme comprendre la colère des JA face aux abandons de terres agricoles : « Sur le fond, par rapport à leur action, on peut l’entendre et la comprendre, le problème d’accès à la terre est juste, mais ils se sont trompés de cible. »
« Les JA ont détruit des espèces protégées ! »
À la tête de la communauté de communes Cœur d’Ostrevant depuis 2014, Frédéric Delannoy assure avoir valorisé la zone. « S’il ne s’est rien passé avant, c’est un fait mais ce n’était pas moi. Depuis 2014, on est dans une volonté de renouvellement urbain, mais on n’est vraiment pas dans l’artificialisation des terres agricoles. Cette action est injuste, car en matière de recyclage foncier on est exemplaire », assure-t-il.
Sur les zones de la commune où aucun projet concret n’a été élaboré, certaines ont été utilisées par la Safer (1) pour y installer des agriculteurs. D’autres font l’objet de projets d’activités en cours, comme celui d’une ferme urbaine.
Quant à la zone visée par l’action des JA, Frédéric Delannoy précise qu’elle ne peut pas être donnée à la Safer : « Elle est en friche car on nous a obligés à procéder à des études préalables et complémentaires pour la faune et la flore. Par leur action, les JA ont détruit des espèces protégées ! »
Les terres agricoles en friche, un combat local
À l’image de l’action menée par les JA du Nord-Pas-de-Calais, d’autres opérations ont lieu un peu partout en France pour dénoncer l’abandon des terres agricoles. C’était le cas notamment le 1er décembre dernier à Illies, dans une autre commune du Nord. À l’appel de la FDSEA 59 et des JA, 28 hectares en friche ont été défrichés, labourés et recultivés.
Même élan de colère dans les Côtes-d’Armor à la fin de novembre. Les JA du canton de Lamballe/Pléneuf-Val-André « se sont réunis pendant la semaine du foncier pour semer des terres inexploitées dans le but de sensibiliser le grand public et surtout les acteurs politiques locaux ! », comme l’indique le syndicat dans une vidéo postée sur YouTube.
(1) Safer : sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.