Le Périgord est le berceau de la production d’oies, une tradition locale qui remonte au Moyen Âge. La chambre d’agriculture de la Dordogne répertorie une petite trentaine d’élevages. Il y en a près de vingt fois plus en canards. Parmi ces éleveurs, la famille Carbonnière produit entre 3 500 et 3 800 oies par an, à Tursac, près des Eyzies. « Je me suis installé jeune agriculteur, en 1983, en Gaec avec mon père Maurice.
Depuis, nous sommes producteurs d’oies, éleveurs et gaveurs en Périgord noir. Nourries au maïs issu de la ferme, les oies sont abattues, mises en conserve sur place et commercialisées dans notre boutique ou expédiées suite aux commandes passées sur notre site internet », explique Joël Carbonnière. Depuis le début de son activité, l’exploitant, désormais proche de la retraite, est un ardent défenseur de cette production emblématique de la région.
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Les jeunes oies sont élevées en liberté sur 7 ha de parcours et de prairies. © Claude-Hélène Yvard
Transmission familiale
Joël a transmis cette passion à son fils, Simon. Avant de revenir sur l’élevage des Granges il y a deux ans, le jeune homme a beaucoup voyagé. « J’ai intégré une formation en techniques de commercialisation, puis une école de commerce à Bordeaux. J’ai sillonné l’Espagne, la Californie et l’Afrique du Sud. Puis j’ai travaillé quatre ans à Paris, au sein du groupe Renault. » Simon en a eu assez : « J’étais en quête de sens professionnellement, alors j’ai saisi cette opportunité du retour à la terre. »
Avec sa compagne Margaux, originaire également du Sud-Ouest, il décide de rejoindre la ferme familiale. Le couple est actuellement salarié de l’exploitation. « À notre arrivée, il y avait mon père en tant que chef d’exploitation et trois salariés. Nous avons appris le métier à ses côtés et avec l’un des salariés, qui a fait valoir depuis ses droits à la retraite. Il y a une double transmission, familiale et générationnelle. »
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60 % de la production est vendue à la ferme. © Claude-Hélène Yvard
S’ils ont appris les gestes techniques et l’indispensable polyvalence du métier, Simon et sa compagne ont apporté leur touche personnelle dans la gestion quotidienne, avec l’informatisation de la facturation, de la gestion des stocks et du suivi de la clientèle.
Du maïs et des céréales
Pour l’oie, il faut compter 150 jours d’élevage. Les oisons sont achetés à un jour au couvoir de Prats-de-Carlux, en Dordogne. Les jeunes oies sont élevées en liberté sur 7 ha de parcours et de prairies. « La période de gavage est d’en moyenne vingt-cinq jours et implique de nourrir les animaux trois fois par jour. À partir du dix-septième jour, les oies sont palpées afin d’apprécier la grosseur du foie et ainsi déterminer le jour exact de l’abattage. C’est une production exigeante. Elle nécessite une grande attention, car les jeunes redoutent le froid et les grosses chaleurs », indique Simon, qui n’a aucun regret quant à sa nouvelle vie.
De l’arrivée des oisons d’un jour à leur abattage et à la mise en conserve, les Carbonnière père et fils, aidés de Margaux et d’un jeune salarié, maîtrisent toute la chaîne de production. L’alimentation des animaux provient de l’exploitation : sur les 27 ha, 15 sont consacrés à la culture du maïs et des céréales.
Abattoir et atelier à la ferme
Les oies grasses sont abattues, découpées et transformées dans l’abattoir et l’atelier situés sur la ferme. « Nous travaillons presqu’en complète autonomie. Seule une toute petite partie des aliments provient de l’extérieur. En période estivale, nous bénéficions de l’apport de la clientèle touristique, nombreuse dans ce secteur grâce à l’attrait de la vallée de la Vézère, toute proche. 60 % de notre production est vendue à la ferme et 40 % est expédiée par nos soins. Nous avons des clients fidèles depuis près de quarante ans », se réjouit Joël.
La reprise de l’exploitation devrait intervenir d’ici un ou deux ans. À 29 ans, Simon se projette dans l’avenir : « En tant qu’agriculteur, il est important d’expliquer ce que l’on fait et comment on exerce notre métier. C’est particulièrement vrai dans notre production qui comporte du gavage. Mon idée serait de créer une activité complémentaire autour de l’oie. » L’été, le grand public a déjà la possibilité de visiter l’élevage.
Claude-Hélène Yvard