« Covid, guerre en Ukraine, nouveau confinement en Chine : les crises ne se succèdent pas, elles s’ajoutent », constate Frédéric Martin, le président d’Axema, ce 13 juin 2022 lors de la présentation du rapport économique annuel du syndicat des constructeurs et importateurs de matériels agricoles. Les difficultés d’approvisionnement se traduisent par des allongements de délais.
« La politique du zéro Covid en Chine a aggravé la situation, notamment pour obtenir les matières premières et les sous-ensembles, ajoute Jean-Christophe Régnier, le président de la commission économique d’Axema. Il y a une situation de pénurie pour les composants électroniques et hydrauliques, les aciers et les pneumatiques. En mars, La moitié des adhérents d’Axema ont dû stopper la production, faute de matières premières. »
Le retard de livraison actuel est de 19 semaines en moyenne pour tous les matériels et peut atteindre 30 semaines pour les tracteurs. En temps normal, le retard est en moyenne de 8 semaines. Certains matériels commandés à l’été 2021 ne pourront pas être livrés avant 2024. Les constructeurs estiment que la situation va encore s’aggraver car le réel effet du confinement en Chine va se voir sur septembre et octobre. « Aujourd’hui, l’objectif est déjà de compléter nos machines qui ont été produites avec certains éléments manquants », précise Frédéric Martin.
Bon en récolte, compliqué en fenaison
Du côté du marché, au premier trimestre de 2022, les ventes sont en hausse de 13 % en valeur par rapport à la même période en 2021, une performance qui s’explique par l’inflation des prix des matériels agricoles sur un an. Le marché actuel est très favorable en matériels de récolte (ensileuses, moissonneuses-batteuses) et bon en tracteurs. En revanche, Axema constate que la situation est plus compliquée en chargeurs télescopiques, matériels de fenaison et outils de travail du sol.
Dans ce marché plutôt dynamique, un ralentissement est déjà perceptible entre janvier et mars. « Le début de l’année est parti sur de très fortes bases, puis il y a eu un coup de frein », analyse Jean-Christophe Régnier. Environ 70 % des constructeurs constatent une baisse au niveau des prises de commandes, en particulier en élevage et polyculture-élevage. Globalement, la situation s’est dégradée pour toutes les filières agricoles mais seules les grandes cultures et la viticulture restent sur les tendances meilleures que d’habitude.
Des interrogations autour du plan de relance
Autre phénomène qui interpelle les constructeurs, seulement 60 % de l’enveloppe du plan de relance concernant le matériel ont été consommés, selon FranceAgriMer. « Ce plan représentait tout de même un guichet de 235 millions d’euros et l’enveloppe a été consommée quasi immédiatement, s’étonne Jean-Christophe Régnier. Que sont devenues ces intentions d’investissement ? On peut supposer qu’une partie des 40 % non-consommés est due aux retards de livraison mais FranceAgriMer a déjà reporté la date limite plusieurs fois. Il y a donc eu aussi des annulations de commandes. »
Coûts de production en hausse de 20 %
La flambée du prix des matériels n’est pas étrangère au recul des commandes. « L’acier coûte aujourd’hui 1 500 euros, soit trois fois plus cher qu’il y a 18 mois », précise Laurent de Buyer, directeur général d’Axema. L’inox et l’aluminium suivent la même tendance. Au final, les coûts de production sont en hausse de plus de 20 % sur un an. « Et nous attendons une deuxième vague avec l’augmentation des salaires, en particulier celle de 8 % prévue en Allemagne. »
Selon Axema, la majorité des constructeurs n’ont pas activé la clause d’imprévision, c’est-à-dire qu’ils prennent à leur charge la hausse du coût des matières premières. La clause d’imprévision permet d’augmenter le prix par rapport à l’engagement contractuel, en raison d’une situation inédite. « Mais pour certains matériels, on atteint la limite de l’acceptabilité, notamment quand il y a des seuils psychologiques », s’inquiète Jean-Christophe Reynier. La prochaine moisson donnera les premiers indicateurs pour la campagne de 2022.