Les agriculteurs auront-ils le matériel nécessaire pour assurer les moissons et les chantiers de fin d’été et d’automne ? Rien n’est moins certain, selon Axema et le Sedima, les deux organisations professionnelles qui représentent respectivement les constructeurs de matériels agricoles et les concessionnaires et réparateurs.

 

Dans une lettre ouverte adressée ce mercredi 13 avril 2022 au gouvernement français, ils souhaitent alerter sur une situation devenue intenable pour l’ensemble de la filière des agroéquipements. Ainsi, les ventes records de machines en 2021 constituent un écran de fumée qui masque des entreprises en réelle difficulté. Pour les agriculteurs, cela va se traduire par une nouvelle augmentation des prix des matériels, pour ceux qui auront la chance d’être livrés.

Flambée des prix des matières premières

Après une année 2021 fortement perturbée par la crise sanitaire et la flambée du prix des matières premières, les constructeurs d’agroéquipements espéraient un retour à la normale pour 2022. La guerre en Ukraine a douché ces espoirs et les prix sont repartis à la hausse dès le 24 février.

 

Les tarifs des métaux et de l’énergie battent tous les records. Les tôles en acier départ Europe du Nord se négociaient en janvier 2021 à 680 euros la tonne, puis à 950 euros au début de janvier 2022, pour atteindre désormais des cours à 1 800 euros la tonne, avec des pointes à 2 200 euros. Cette flambée contraint les constructeurs à imposer de nouvelles hausses de prix et les concessionnaires à les répercuter sur les clients. Après une hausse moyenne de 10 à 15 % selon les matériels en 2021, ce niveau coup de massue pourrait freiner définitivement les investissements de nombreux agriculteurs.

Difficultés d’approvisionnement

Mais avant de payer, encore faut-il être en mesure de recevoir son matériel. « Avec ce conflit, les difficultés d’approvisionnement se sont exacerbées et les plannings de production se heurtent désormais à l’imprévisibilité des livraisons, retardées, voire annulées. En conséquence de cette désorganisation, les délais de livraison des machines agricoles se sont allongés en moyenne de 11 semaines par rapport à une situation normale », selon l’enquête de conjoncture Axema, menée du 17 au 31 janvier 2022.

 

Ils sont actuellement de 19 semaines en moyenne, pour l’ensemble des entreprises adhérentes d’Axema, et montent à 30 semaines pour les tracteurs. Sur certains sites de production, des centaines, voire des milliers de machines, sont stockées dans l’attente de pièces pour un assemblage final.

Concessions et PME en difficulté

Sur le terrain, les concessionnaires doivent pallier l’absence de machines neuves livrées dans les temps avec du matériel d’occasion. « Par ailleurs, la valeur vénale du matériel repris à l’agriculteur dans le cadre de son achat de matériel neuf est forcément plus basse que prévu et déséquilibre les finances du distributeur », précise le Sedima. Certaines concessions sont dans une situation financière critique, notamment en raison de cette tension sur les liquidités et les marges. Le risque de faillite plane aussi sur les constructeurs, dont de nombreuses PME françaises, qui misaient sur la Russie et l’Ukraine, deux marchés en forte croissance. En 2021, elles ont exporté en Russie et en Ukraine des matériels pour une valeur totale de 166 M€ (4 % des exportations françaises de matériel agricole), en hausse de 60 % par rapport à l’année précédente.

 

Constructeurs et concessionnaires attendent désormais que leur gouvernement leur apporte tout le soutien nécessaire, en urgence, et reconnaisse le rôle stratégique des agroéquipements pour faire face aux enjeux alimentaires.