Il est connu comme le loup blanc dans le département. L’Isérois Max Josserand n’est pas un négociant en bestiaux comme les autres. L’homme effectue « des sauvetages », comme il dit. Et à 75 ans, il vient à en compter « beaucoup trop ! C’est à cause de l’isolement de plus en plus grand, mais aussi de l’administratif. C’est devenu n’importe quoi tous ces papiers à remplir sur une exploitation. »
Max Josserand vient en soutien aux agriculteurs en difficulté : il alerte sur leur situation, ou tente d’apporter lui-même des solutions aux agriculteurs en détresse qu’il côtoie. « Passer du temps avec eux, c’est déjà un bon début, surtout quand le gars ou la femme est seul depuis longtemps. »
> À lire aussi :Prévention du suicide, « Un agriculteur en détresse n’est pas un client »
(29/09/2020)
Une spirale depuis dix ans
« Ils n’ont pas besoin de me dire qu’ils ne vont pas bien, je le vois tout de suite. Une exploitation en bordel, un piquet cassé, des chardons qui n’ont pas été coupés, un fil de fer qui traîne… J’observe de plus en plus de jeunes dans ce cas. On devrait les installer avec des parrains, ils seraient moins seuls. »
Les situations difficiles ne sont toutefois pas en recrudescence, estime-t-il, tout simplement, parce qu’aujourd’hui, il existe de moins en moins d’exploitants dans le département. « C’est la spirale infernale depuis dix ans. Je vois les fermes se démonter les unes après les autres autour de moi. Dans la plaine de Vourey, par exemple, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Grenoble, il y a 40 ans, j’avais au moins dix exploitants qui me vendaient des bêtes, aujourd’hui, il en reste moins de cinq. Et c’est moi qui leur amène le bétail, sinon il n’y en aurait plus. »
Un vecteur entre des mondes qui se méconnaissent
Conseiller municipal, administrateur au sein d’une coopérative agricole, membre de l’association Ecout’Agri qui vient en aide, en Isère, aux agriculteurs en difficulté, il entretient aussi de bonnes relations avec la DDPP, la direction départementale de la protection des populations, chargée notamment, avec les services vétérinaires, de la réquisition judiciaire des animaux.
Le négociant en bestiaux fait le lien entre tous pour tenter de redresser les situations les plus délicates. « Un chef de service de la DDPP m’a récemment convié à l’une de leur réunion et m’a dit : « Faut que tu viennes, j’ai huit fermes à te faire visiter. » On en a visité 4 depuis, et pour chacune on a trouvé une solution, ça avance. Ce n’est pas toujours simple. À l’un des gars qui avait 80 bêtes, la seule façon qu’il s’en sorte était qu’il en laisse 40. Il m’a demandé si j’acceptais de les lui acheter, et j’ai dit « oui ». »
Max Josserand travaille aussi avec l’OABA (Œuvre d’assistance des bêtes d’abattoirs), une association animale qui recueille les bêtes, le temps d’un jugement, en cas de difficultés établies sur l’exploitation. Et l’homme s’étonne à chaque fois de voir les agriculteurs laissés seuls au moment du retrait de leur troupeau. « Il n’y a aucun accompagnateur, ils en auraient vraiment besoin à ce moment-là. Comme je suis sur place, je reste avec eux. »
Donner du temps
Il se souvient aussi de cet éleveur à la dérive chez qui plus personne ne voulait aller. C’est l’association Ecout’Agri qui a demandé au négociant d’intervenir. « Ils nous ont présentés. On a pris le temps de discuter. Puis avec l’éleveur, nous avons décidé de vendre son cheptel, il ne tenait plus ses barrières, il y avait sans cesse des bêtes en divagation, tout le monde était contre lui dans le village. Au bout d’un moment, il m’a accepté. » Aujourd’hui, l’éleveur va beaucoup mieux. Il poursuit une activité agricole et travaille deux jours par semaine chez… Max Josserand.
> À lire aussi : Mission parlementaire, la piste foncière pour mieux prévenir le suicide
(22/09/2020)