Les sols concentrent 59 % de la biodiversité mondiale. Les individus sont classés par ordre de grandeur. Ainsi, le groupe des micro-organismes (bactéries et champignons essentiellement) est caractérisé par une taille microscopique. Leur abondance est telle qu’un gramme de sol contient environ 1 million d’espèces bactériennes et plusieurs dizaines de milliers d’espèces fongiques.
Les bactéries sont des organismes unicellulaires, aérobies ou anaérobies selon les conditions. Elles possèdent une grande capacité d’adaptation face aux perturbations du milieu. Les champignons sont soit unicellulaires (levures), soit pluricellulaires (mycélium). La partie visible à la surface n’est que l’organe reproducteur temporaire. Principalement aérobies, ils sont très sensibles à la compaction et l’hydromorphie.
Cheville ouvrière de la fertilité
Les micro-organismes jouent un rôle fondamental dans l’édification de la fertilité biologique des sols. Bactéries et champignons sont les seuls êtres vivants capables de transformer la matière organique en minéraux assimilables par les plantes. Ce processus de minéralisation concerne de nombreux éléments : azote, phosphore, soufre, potassium, calcium, magnésium, zinc… Ces organismes sont donc à la base de la nutrition végétale. Ils remplissent également d’autres fonctions : structuration du sol (création et stabilisation des agrégats et de la microporosité), dépollution (dégradation des contaminants), lutte biologique contre les pathogènes (par compétition sur les ressources et les habitats).
L’équipe de recherche Biocom de l’unité mixte de recherche dans le laboratoire d'agroécologie, à l’Inrae de Dijon, a quantifié la corrélation entre biodiversité microbiologique et grandes fonctions telluriques. Lionel Ranjard, l’un des membres et docteur en écologie microbienne des sols, en présente les résultats : « Nous avons testé artificiellement une baisse de 30 % de la biodiversité des micro-organismes du sol, puis nous en avons mesuré les impacts : –40 % de capacité de minéralisation qui engendre une baisse de 50 % de la productivité végétale, –15 % de résilience en cas de sécheresse, diminution de moitié de la stabilité structurale, et enfin un temps de survie des pathogènes multiplié par 3. » (1)
Des communautés fonctionnelles
Si la diversité est la clef de voûte du système, « les interactions entre bactéries et champignons sont tout aussi importantes, car c’est la communauté qui assure les grandes fonctions du sol. Plus il y a d’interactions, plus la communauté est stable et fonctionnelle », insiste-t-il.
Les chercheurs ont analysé différents sols en fonction de leurs modes d’usage. En comparaison avec celui de la forêt, la biomasse microbienne (quantité d’individus mesurée par extraction d’ADN) est impactée négativement par les pratiques agricoles, tout comme la diversité de champignons. A contrario, la diversité bactérienne peut être stimulée (principe de la perturbation intermédiaire), mais au profit d’espèces opportunistes qui ne participent pas ou peu aux réseaux d’interaction. C’est en viticulture que les communautés de micro-organismes sont les moins fonctionnelles, suivi du maraîchage, puis des grandes cultures.
« Le travail du sol, notamment le labour qui agit comme un bulldozer, et l’utilisation de biocides sont des pratiques qui dégradent la biodiversité, tout comme l’usage de la fertilisation minérale car elle n’apporte pas de matière organique, et donc de nourriture aux micro-organismes », rappelle Lionel Ranjard. Une couverture végétale diversifiée, avec une durée de présence la plus longue possible est une pratique efficace pour agrader les parcelles, car elle offre gîte et couvert à ces précieux alliés de l’agriculture. « Si l’on préserve, voire pilote la qualité microbiologique des sols, on pourrait limiter l’usage d’intrants de synthèse », conclut le scientifique.
(1) Travaux de P.-A. Maron et collaborateurs.