L’apport de produits organiques très carbonés, avec un rapport C/N élevé, ne génère pas systématiquement de « faim d’azote ». C’est ce que tient à rappeler Thibaut Déplanche, directeur général du laboratoire Celesta-lab, dans une série de publications sur les idées reçues au sujet de cet indicateur sur LinkedIn.
La faim d’azote est le « phénomène par lequel l’activité biologique du sol est concurrentielle de la nutrition azotée des plantes », définit-il. En effet, en présence de matière organique (MO) très carbonée, la communauté microbienne a des besoins importants en azote. Or, « les micro-organismes sont bien plus efficaces » pour capter cet azote que les cultures.
4 conditions conjointes pour la « faim d’azote »
« Pour une faim d’azote réussie, indique Thibaut Déplanche avec humour, il faut quatre ingrédients indispensables. » Le premier est un produit organique à fort C/N (supérieur à 15). « Tous les végétaux un peu vieux, sauf les légumineuses, rentrent dans cette catégorie. » Il faut ensuite s’assurer « que ce produit soit très digestible », c’est-à-dire énergétique.
Thibaut Déplanche estime que pour évaluer ce paramètre, le rapport C/N est insuffisant. Il appelle à se tourner vers l’Ismo, l’indice de stabilité de la matière organique. Un Ismo bas correspond à une vitesse de minéralisation rapide (couverts, paille ou broyat jeune par exemple).
Troisième facteur pour générer une « faim d’azote » : l’intégration au sol de la matière organique. Enfin, « le grand oublié » : le fait d’avoir trop peu d’azote disponible dans le sol pour alimenter à la fois le sol et les plantes.
Anticiper la destruction des couverts
Pour éviter ou limiter le phénomène, Arvalis conseille d’anticiper la destruction des couverts qui contiennent peu de légumineuses. L’objectif est « d’éviter une lignification trop importante des résidus qui conduirait à des valeurs de C/N élevées et à de faibles potentiels de minéralisation de l’azote », explique l’institut.
Cela a aussi pour effet « d’avancer la phase temporaire d’organisation nette d’azote, qui survient juste après la destruction des résidus pour des rapports C/N supérieurs à 20 ». Ces valeurs de C/N s’observent pour « quelques espèces de cultures intermédiaires telles que le tournesol et le sarrasin, voire pour les graminées et la phacélie détruites plus de cinq mois après semis ». Et dans ces situations, les restitutions d’azote sont « seulement de l’ordre de 20 % de l’azote total piégé par le couvert », calcule l’institut.
C/N faible pour les légumineuses
Pour les couverts de légumineuses pures ou contenant une proportion importante de légumineuses, dont le rapport C/N est faible, « une destruction tardive au printemps peut s’avérer intéressante », précise Arvalis. En effet, pour ces espèces, le rapport C/N reste faible « même pour des croissances longues, l’azote est rapidement minéralisé et donc disponible pour la culture suivante ».
La méthode « Merci » permet d’estimer les restitutions par les cultures intermédiaires. L’outil en ligne a été mis à jour en novembre 2020.