Les matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor) sont sources d’interrogations, qu’elles soient d’origine agricoles, urbaines ou industrielles. Si certains risques sont désormais maîtrisés, d’autres sont encore mal documentés.

Limiter la Volatilisation par l’enfouissement

Sur le volet environnemental, l’attention est portée sur le risque d’émission de NH3 (ammoniac, gaz à effet de serre). Dans certains produits organiques, comme les digestats liquides, l’azote est majoritairement présent sous forme ammoniacale (NH4+). « Cela le rend particulièrement sensible à la volatilisation sous forme NH3, qui peut atteindre jusqu’à 100 % si l’apport est fait dans de mauvaises conditions », souligne Florent Levavasseur, ingénieur de recherche à l’Inrae (1). L’Ademe recommande l’utilisation de rampes à pendillards pour les effluents liquides, et leur enfouissement « dès que possible après l’épandage, au minimum dans les 12 heures. »

Transferts potentielsde pathogènes

Les boues de station d’épuration (Step) et les digestats de méthanisation sont potentiellement vecteurs d’agents pathogènes (bactéries, parasites, virus) pouvant transmettre des maladies aux troupeaux ou à l’homme. Certains traitements, comme le chaulage, le compostage ou la digestion anaérobie thermophile, sont efficaces pour limiter la charge des produits épandus. « L’hygiénisation, qui consiste à chauffer un digestat à 70 °C pendant une heure, est coûteuse mais efficace pour supprimer un grand nombre de pathogènes, tels que les salmonelles, la grippe aviaire ou la peste porcine africaine », indique Adeline Haumont, ingénieure chargée de mission « biogaz » au sein de l’association Aile (2). Pour d’autres, comme la bactérie responsable du botulisme, la technique n’est pas pertinente. « L’étape du transport est sensible et peut être source de contamination », ajoute-t-elle.

Des contaminantschimiques multiples

Les éléments traces métalliques (ETM) présents dans les Mafor (le cuivre, le zinc, le plomb...) s’accumulent petit à petit dans les sols. « Dans le cadre d’apports de produits organiques classiques, les flux d’ETM restent limités et on n’observe, a priori, pas d’effets néfastes », affirme Florent Levavasseur. Il précise que la question de la disponibilité de ces éléments est cruciale. « Certaines pratiques, à l’exemple de la variation de pH, permettent de diminuer le risque de transfert vers les plantes. »

Tout comme la plupart des ETM, certains composés traces organiques (CTO), tels que les PBC ou les HAP, sont réglementés vis-à-vis de l’épandage des Mafor. Mais la majorité des CTO ne l’est pas, à l’image des résidus de produits pharmaceutiques. Une expertise scientifique collective (Inra, CNRS et Irstea) indique que la multiplicité de ces composés et leur diversité de comportements dans les milieux les rendent difficiles à évaluer et à réglementer.

En ce qui concerne les résidus médicamenteux, une étude publiée en 2017 a montré que, bien qu’ils soient présents dans les Mafor à des concentrations de l’ordre du mg/kg, leur accumulation dans le sol était « faible » et leur lixiviation « très faible », même après plusieurs années d’application aux doses usuelles. Certains produits, à l’instar des antibiotiques, ont des capacités de sorption élevées et peuvent être fortement rémanents. Leurs risques écotoxicologiques (aigus et chroniques) pour les sols sont encore peu renseignés, mais également estimés « faibles » aux doses usuelles.

Une des manières de réduire la contamination des milieux pourrait se faire via les traitements des matières premières, mais les procédés classiques (décantation, traitements physico-chimiques, filtration,…) sont assez inefficaces. Ceux qui le sont (chloration, ozonation, radiation UV…) sont très coûteux et donc peu répandus.

Biologie des sols :encore des inconnues

L’effet des digestats sur les populations des vers de terre est encore mal connu. Comme sur les lisiers, il est parfois observé une remontée des lombrics en surface et leur mort aux champs après épandage de digestat contenant de l’urine. « Il y a peu d’études sur le sujet et nous avons besoin de recul pour comprendre les causes de ce phénomène. La toxicité de l’ammoniac apporté est une des hypothèses, mais elle n’est pas suffisante. Il existe peut-être un effet cocktail », explique Victor Moinard, qui conduit une thèse sur le sujet. « Mais cette mortalité à très court terme est observée sur une proportion limitée de vers. L’apport de matière organique par les digestats leur est favorable au bout de quelques années », rassure-t-il.

De manière générale, la vie biologique du sol semble être favorisée par l’apport de Mafor. « Sur le long terme, l’augmentation du taux de matière organique lui est bénéfique », souligne Florent Levavasseur. Certaines matières, telles que les digestats solides après séparation de phase ou les composts de boues, ont, par exemple, des valeurs amendantes organiques très intéressantes.

(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

(2) Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement.