Seul sur 110 hectares de terrains variés (alluvions argileuses inondables, limons battants, sableux) en Saône-et-Loire, Romuald Gros est tenu de sortir des rendements et de réduire les coûts (engrais et désherbage). Un objectif un peu plus compliqué chaque année du fait des aléas climatiques récurrents depuis 2016. Même les parcelles inondables en bordure de Saône sont désormais impactées par les étés secs et chauds. Bien que 65 % des surfaces de l’exploitation soient arrosables, l’irrigation devient un levier virtuel. « L’an dernier, précise ainsi l’agriculteur, l’interdiction d’arroser nous a été notifiée le 5 août 2022. L’idéal serait d’aménager une réserve pour sécuriser le maïs et le soja. Mais à 55 ans, faut-il se lancer ? »
Arrêt du colza
Dans ce contexte agro-climatique chaotique, Romuald Gros recherche en permanence les rotations adaptées. Depuis son installation en 1997, il est passé d’une monoculture de maïs, avec initialement quelques hectares de haricots verts de consommation, à un assolement diversifié. Le colza a été arrêté et remplacé depuis 2021 par le tournesol. Les difficultés de semis en conditions séchantes ainsi que l’évolution des réglementations liées à la Pac (écorégimes) en sont les causes. Le maïs n’est plus cultivé sur les sols sableux, mais réservé aux parcelles inondables et irrigables. « Ce choix, constate Romuald Gros, complique les rotations et réduit les cultures de printemps, avec un impact négatif sur la pression sanitaire. En faisant plus de céréales d’hiver, on casse moins les cycles des parasites ».

Semis direct
Depuis des années, Romuald Gros expérimente les itinéraires les plus appropriés. Pour réduire l’utilisation d’herbicides par étouffement des adventices, il a testé sur ses parcelles sableuses la faisabilité des systèmes en semis direct sous couvert permanent de trèfle blanc nain. Cette espèce a été choisie pour sa biomasse limitée. Plus pérenne mais moins couvrante, la luzerne présentait un risque de colmatage des drains. Une rotation colza/blé tendre hiver/maïs/pois d’hiver (ou orge-pois) a été mise en place avec un suivi réalisé pendant quatre ans (2015-2020) par la chambre d’agriculture de la Saône-et-Loire.
« Sur le papier, note Romuald Gros, la pratique de semis sous couverts pluriannuels est très attractive. La réalité est plus nuancée : outre l’investissement lié à l’implantation du trèfle et sa sensibilité au sec, la concurrence de la légumineuse impacte défavorablement le rendement du maïs (moins 10 q/ha) (1). Malgré le semis au strip till, le trèfle recolonise rapidement le rang et étouffe la culture ». L’objectif de réduire de 50 % l’utilisation d’herbicides sur la partie sous couvert n’a pas été atteint. Seule une baisse de 16 % a été constatée (0,32 point d’IFT).
Couverture du sol
A contrario, Romuald Gros a trouvé pour ses limons battants de Bresse, une rotation de trois ans qui fonctionne bien (voir le schéma). « Le soja est implanté dans un couvert de blé semé derrière maïs. Après la récolte de la légumineuse, un blé est semé. Après moisson, un couvert de crucifère est implanté si l’humidité du sol est suffisante, suivi quelques semaines plus tard par un couvert de féverole-pois dans lequel le maïs sera cultivé. « La féverole, pointe Romuald Gros, a un impact positif sur la biologie du sol ainsi qu’un effet “booster” comparable à un engrais starter. » Grâce à cet itinéraire, les densités d’ambroisie ont considérablement réduit (de 100 à 0,5 pied par m²) en baissant l’IFT. La qualité de la récolte est améliorée car il y a moins d’impuretés.
« Le couvert est implanté à coûts réduits. Les semences de blé, prises dans le silo, sont semées à 150 kg/ha à la volée. Cette pratique adaptée aux conditions météo de novembre, assure un débit de chantier élevé. Le paillage au sol, lié au semis des céréales, limite l’été l’évapotranspiration et facilite la récolte. Par contre avec un soja semé dans le couvert de blé, le sol se réchauffe plus lentement. Du glyphosate est indispensable pour maîtriser les petites mauvaises herbes, telles que le pâturin et le mouron. » À l’avenir, Romuald entend continuer à implanter des couverts au maximum. Pour cela il faut maîtriser leur croissance. « Sans glyphosate ou nouveau produit homologué et accessible financièrement, ce sera beaucoup plus dur. Tout notre système risque de s’écrouler ».

(1) sur les cultures d’hiver, les résultats sont plutôt bons.