En France, la filière brassicole utilise plusieurs espèces : des orges de printemps deux rangs, des orges d’hiver six rangs et des orges d’hiver deux rangs, ces dernières étant toutefois moins cultivées. L’orge d’hiver six rangs de qualité brassicole est une spécificité française, résultat d’un important investissement de la filière dans la sélection.

Son intérêt est avant tout économique. D’une part, par son positionnement sur le marché : ses prix sont inférieurs à ceux de l’orge de printemps. D’autre part, par son rendement et son poids spécifique, en moyenne supérieurs à ceux de l’orge de printemps, renforçant son intérêt économique en termes de rentabilité des outils industriels et de logistique.

Sa teneur en protéines est par ailleurs moins variable. « L’orge d’hiver six rangs brassicole a contribué à la performance de l’agriculture et des malteurs français à l’international », résume Marc Schmitt, directeur de l’Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie (IFBM).

Moins productive, l’orge de printemps présente une meilleure qualité technologique, tant sur le calibrage, l’extrait (sa teneur en amidon étant plus élevée), la vitesse de germination, la désagrégation… L’orge d’hiver six rangs a, elle, une meilleure activité enzymatique. « On est capable de faire de bonnes bières avec. Son malt s’utilise aussi en mélange avec le malt des orges de printemps deux rangs », ajoute Marc Schmitt.

Des variétés plus performantes

« La filière brassicole est très performante, parce que les différents acteurs se parlent depuis très longtemps. Ils ont mis en place un système d’homologation des orges de brasserie qui correspond à la fois aux attentes des agriculteurs, des malteurs et des brasseurs », décrit Marc Schmitt. Les progrès génétiques accomplis ces vingt dernières années sont « très très significatifs », estime-t-il, tant sur les critères agronomiques que technologiques.

En moyenne, le rendement traité des variétés d’orges brassicoles inscrites entre 2007 et 2020 a progressé de 0,34 q/an en six rangs d’hiver et de 0,69 q/an en deux rangs de printemps, a présenté le spécialiste lors du dernier colloque orges brassicoles, à Reims, en 2024.

« C’est le premier critère de sélection, car il faut que l’agriculteur ait envie d’implanter ces espèces. Le calibrage est également important, car plus les grains sont gros, plus ils contiennent de l’amidon. Celui-ci permet d’obtenir les sucres fermentescibles qui sont transformés en alcool, CO2 et arômes », détaille ce dernier.

La teneur en protéines, qui doit se situer entre 9,5 et 11,5 %, a très légèrement progressé sur la même période. Il en faut suffisamment pour obtenir une bonne tenue de mousse et une bonne fermentation, mais en excès, elles entraînent des problèmes de troubles de la bière.

Plus récemment, le poids spécifique est devenu un critère pris en compte : quand il est dégradé, comme ce fut le cas lors de la récolte 2024, il entraîne une hausse des coûts de logistiques (stockage, transport…). Il impacte également la productivité des malteries : pour une même quantité d’eau et d’énergie consommée, la quantité de malt produite est inférieure.

Meilleure tolérance aux bioagresseurs

Dans un contexte de réduction d’usage de produits phytos, la sélection a également travaillé à la meilleure tolérance aux bioagresseurs. Désormais, tous les dépôts au CTPS (1) de variétés d’orge d’hiver six rangs brassicoles sont tolérantes à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO).

Si l’arrivée de cette tolérance a fait perdre des qualités technologiques (extrait, viscosité du moût…) aux six rangs d’hiver, « les sélectionneurs sont en train de rattraper ce retard », affirme Marc Schmitt. À noter également des inscriptions de variétés d’orges de printemps avec des tolérances à l’helminthosporiose et à la rhynchosporiose, mais également l’arrivée d’une double tolérance JNO et pied chétif en orge d’hiver six rangs.

Le progrès génétique a également permis des avancées sur la consommation d’eau et d’énergie. « Il y a encore quinze à vingt ans, il fallait sept jours de germination pour une orge de printemps, aujourd’hui il faut plutôt trois à quatre jours », illustre Marc Schmitt.

Un autre enjeu fort de la filière est l’adaptation aux aléas climatiques. Dans le cadre du projet Root2Res, Arvalis travaille en appui à la sélection, dans le but d’obtenir des variétés plus résilientes sur tout un panel de cultures, dont l’orge de brasserie.

« Cela passe par du phénotypage racinaire au champ et en situation contrôlée, expose Mélanie Franche, animatrice de la filière orges brassicoles. Les plantes sont soumises ou non à des situations de stress, et on observe comment se développent les racines. » L’objectif est de définir des marqueurs génétiques, dont les semenciers s’empareront.

(1) Comité technique permanent de la sélection