Comme pour la majorité des cultures, la production de semences a connu beaucoup de difficultés en 2023-2024 en raison des mauvaises conditions climatiques. Ce qui risque de ne pas améliorer l’attractivité pour ce métier de multiplicateur déjà mis à mal depuis quelques années.

Les semis ont été fortement perturbés, notamment au printemps 2024, ce qui a pénalisé les rendements et la qualité des semences. « Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu autant d’espèces impactées », a reconnu Rémi Bastien, vice-président de l’UFS (Union française des semenciers), le 13 novembre 2024 lors d’une conférence de presse à Paris.

La Russie freine ses importations

Les surfaces de multiplication sont en baisse pour la majorité des espèces, notamment le maïs qui recule de 24 %, à 61 200 ha. « Le plan de production pour cette espèce est en retrait significatif en France du fait d’une très bonne récolte la campagne précédente, et des évolutions de marché difficiles, a indiqué Olivier Paul, président de l’UFS. Le marché français a été dynamique, mais moins en Europe, avec en complément une baisse des exportations vers la Russie qui s’est fermée. » Pour autant, le niveau de production reste sur un niveau standard, ce qui ne devrait pas engendrer de difficultés pour l’approvisionnement sur la prochaine campagne.

Les céréales d’hiver reculent, quant à elles, de 5 % à 103 520 ha. « Les productions ont été difficiles, avec une qualité altérée mais elles seront toutefois suffisantes pour alimenter le marché », rassure Olivier Paul. Même constat en protéagineux, dont les surfaces reculent pourtant de 7 % (11 200 ha). Les surfaces de colza sont en retrait de 12 % à 10 800 ha, après un pic l’année précédente. Mais malgré des attaques d’altises, la production revient à des niveaux standards.

Pénuries attendues

En revanche en tournesol, le contexte est plus difficile. La baisse de la sole atteint 5 % (16 000 ha), les semis ont été compliqués et les récoltes très tardives et marquées par des excès d’eau. Et là encore, la fermeture de la Russie, qui est le principal marché, a contribué au recul important du plan de production en France. Les rendements et la qualité sont plutôt mauvais et selon Olivier Paul, « il faut s’attendre à une rupture sur le marché pour certaines variétés ». Des pénuries pourraient aussi apparaître en sorgho et en soja, cultures pour lesquelles il est envisagé une demande de dérogation de faculté germinative pour approvisionner le marché. En betterave, la campagne n’est pas bonne également, sans crainte toutefois sur la disponibilité en semences car les productions italiennes pourront compenser.

Pour l’an prochain, difficile encore d’y voir clair sur les plans de production. Cela dépendra de la qualité finale de toutes les cultures multipliées et de l’orientation des marchés. « Par exemple en Roumanie, qui est un marché important pour le maïs, c’est la deuxième année sur trois que les résultats sont mauvais, relate Olivier Paul. Les débouchés pour les semences françaises y sont donc incertains. »

Contraintes sur les semences traitées

Au-delà des difficultés de production de semences cette année, le syndicat semencier se mobilise contre « l’émergence d’une assimilation entre les semences traitées et les produits phyto » quand il s’agit d’exporter. Selon Rachel Blumel, directrice de l’UFS, cette assimilation observée depuis 18 mois aurait des « impacts préjudiciables pour l’ensemble de la chaîne agricole ». Le ministère de la Transition écologique demande en effet désormais de déclarer les semences traitées en « mélange de produits phytosanitaires ». « Les agriculteurs pourraient être soumis aux mêmes obligations de stockage, de transport et d’utilisation de produits phyto pour les semences traitées », s’inquiète la directrice qui demande une clarification sur le sujet.

Sécuriser le crédit d'impôt à la recherche

L’UFS a également insisté sur la nécessité de soutenir l’innovation variétale. Elle s’inquiète de la remise en cause chaque année du crédit d'impôt à la recherche (CIR). Ce dernier est à nouveau discuté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. « C’est une véritable épée de Damoclès, difficile à gérer pour nos organisations qui investissent sur un temps long », insiste Rémi Bastien. Le CIR ne représente pas moins de 100 millions d’euros pour le secteur semencier sur les 400 à 450 millions d’euros investis dans la recherche (11 % du chiffre d’affaires total). « Au cours de ces dernières années, le CIR a permis de renforcer les moyens de recherche sur le secteur semencier, insiste l’UFS […] et a participé à l’attractivité de sociétés étrangères sur le territoire français. » Pour Rémi Bastien, « sans ce soutien, la France pourrait perdre son leadership en recherche variétale. » Pour rappel, la France est le premier exportateur mondial de semences agricoles.

Faire connaître le parcours de la semence

Pour améliorer la compréhension des sujets de la semence auprès des politiques, l’UFS a mis en place sur son site internet une « expérience interactive » montrant le parcours de la semence de sa création à son usage local. Cette plateforme a été lancée le 7 novembre dernier lors de l’assemblée générale de l’UFS qui fêtait ses quinze ans d’existence.