Effet désherbant, résistance aux maladies, tolérance aux binages, capacité à mycorhizer… Il faut un inventaire à la Prévert pour lister toutes les qualités spécifiques qui sont attendues des variétés de blé et d’autres cultures au sein des filières en agriculture biologique. Un constat qui rend nécessaire de changer les modèles de création variétale, selon un rapport du comité technique permanent de la sélection publié en 2021 (1).
Dans ce contexte, la possibilité est désormais ouverte, depuis le premier janvier 2022 (2), de commercialiser des « matériels biologiques hétérogènes » (MHB) notifiés au catalogue officiel des semences. Il s’agit d’un ensemble « d’une grande diversité génétique et phénotypique », comme le définit le règlement européen.
Agriculteur et sélectionneur
Adrien Pelletier, agriculteur bio à la ferme d’Orvilliers dans l'Eure-et-Loir et désormais sélectionneur, est le premier à s’être emparé de cette ouverture du catalogue. Il compte ainsi valoriser une sélection de croisements démarrée en 2015, à partir d’une dizaine de variétés antérieures à 1960 et issues en majorité du catalogue Benoist semences. La notification de ce MHB a été déposée au groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves).
C’est le premier dossier du genre pour la France. Il pourrait permettre à l’agriculteur de commercialiser ses semences pour les semis d’automne de 2024. « Ce travail est à mi-chemin entre la sélection dite paysanne et la sélection conventionnelle, témoigne-t-il. L’ambition est d’arriver à un compromis entre le rendement et les fonctions écologiques, agronomiques et boulangères. »
Gagner en rendement
Le matériel en cours de notification répond déjà en partie à ces objectifs. « Le rendement en mouture sur meule de pierre est très bon dès le premier passage, et le comportement de panification au levain naturel également », constate Adrien. Il a également développé une activité fermière de mouture et de panification avec son frère Benjamin et leur associée Hélène Chaudy (3).
Malgré son port élevé, le MHB présente également une résistance très forte à la verse et aux maladies. « La deuxième étape visera à améliorer le caractère tardif, et assurer des gains dans le rendement qui restent dans la moyenne des rendements bio en variétés anciennes sur le territoire. »
« Une piste à explorer est celle de croiser cette génétique avec des variétés dites modernes, ajoute Adrien Pelletier. Mais nous restons dans un schéma de sélection 100 % bio depuis la première année de sélection. Ceci dans l’espoir de pouvoir sélectionner des traits génétiques, voire épigénétiques, adaptés comme l’allélopathique (effet désherbant, NDLR). L’avantage du MHB est que le cycle de sélection est assez court, de l’ordre de cinq à six ans. »
(1) Saisine du comité scientifique CTPS « Quelles variétés pour l’agroécologie ? » (2021).
(2) Règlement (UE) 2018/848.
(3) Adrien Pelletier est auteur de « Le guide (très pratique) des paysans-boulangers » (Éditions France Agricole).