Gilles Delannoy multiplie des plants de pomme de terre sur environ 55 ha tous les ans. Installé à Doullens, dans la Somme, sur 145 ha, il produit des plants certifiés : sous serre pour la première génération (pommes de terre « de souche »), puis en pleine terre pour les trois, quatre années suivantes. L’atelier est technique et demande de la minutie : un métier varié et passionnant selon l’agriculteur.
« L’objectif est de fournir des plants de très bonne qualité sanitaire, exempts de parasites, estime-t-il. Je ne saurais pas produire de la pomme de terre de consommation, ce n’est pas le même métier. »
Épuration des plants virosés
Les exigences sanitaires sont très élevées et nécessitent un suivi particulier pour éviter les contaminations par les pathogènes. Et en particulier pour les générations de pomme de terre les plus jeunes, dont la qualité influence toutes les suivantes. Par exemple, le taux maximal autorisé de symptômes de maladies à virus est de 0,2 % pour les plants de prébase de classe S lors des différentes inspections.
Pour lutter contre les pucerons, vecteurs de ces virus, de nombreuses pratiques sont mises en place. La première génération est cultivée sous serre avec un filet anti-insectes et un sas d’entrée. Aux champs, Gilles Delannoy place les générations suivantes au centre des parcelles, car la contamination commence par les bordures. Il implante des « leurres » de tournesols en interrang en même temps que les pommes de terre. « On espère que les pucerons sont plutôt attirés par le tournesol, qui fait déjà 5-6 cm quand les pommes de terre lèvent », explique-t-il.
Et surtout, en cours de végétation, ses salariés et lui épurent les buttes : ils suppriment à la main chaque plant de pomme de terre où des symptômes sont observés. Une tache technique : « Chaque année on a des variétés nouvelles, il faut apprendre leurs comportements. » L’agriculteur, qui juge que les symptômes sont de plus en plus difficiles à évaluer sur la nouvelle génétique, est épaulé par des techniciens pour cela.
Gilles Delannoy n’utilise plus d’insecticide depuis quelques années. L’objectif est de protéger les auxiliaires, et d’éviter les produits traçants. Certains tubercules peuvent en effet être valorisés en débouché consommation. Il réalise des traitements à base d’huile minérale pour réduire la transmission des virus non persistants.
Gestion minutieuse des lots
Le métier est aussi exigeant sur le plan financier : les 8 500 boutures achetées cette année représentent par exemple 25 500 € de trésorerie immobilisée pendant quelques années, en attendant la vente des plants certifiés. Autre enjeu financier : celui de la traçabilité des nombreux lots de pommes de terre. Tout litige sur la variété, heureusement très rare, peut représenter des montants très importants, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Cette année, l’agriculteur compose avec 31 lots de variétés et générations différentes, dont 7 sous serre. L’année dernière, c’était 43.