Il aura fallu des années pour y parvenir, mais les retraités agricoles auront réussi un double tour de force au moment où leur minimum de retraite doit (enfin) passer de 75 % à 85 % du Smic net : mettre d’accord des députés de la majorité et de l’opposition au sein de la commission des affaires sociales, et aussi l’ensemble des syndicats agricoles, FNSEA, Confédération paysanne, Coordination rurale et Modef. Bien sûr, avec quelques anicroches. Preuve, s’il en fallait, de la légitimité de leur combat pour des retraites dignes.
Une revendication unanime
L’ensemble des syndicats agricoles appellent au vote du texte présenté par le député communiste André Chassaigne qui prévoit de revaloriser les pensions de retraite des agriculteurs à 85 % du Smic (pour une carrière complète de chef d’exploitation), contre 75 % actuellement. La proposition de loi sera soumise aux députés, en deuxième lecture, le 18 juin 2020.
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Pas d’augmentation des cotisations, mais de la TVA sociale
La Coordination rurale a demandé à « l’ensemble des députés de soutenir ce texte suscitant l’espoir pour beaucoup d’agriculteurs ». Pour Armand Paquereau, responsable de la section des retraités de la Coordination rurale, « parler d’un minimum de 85 % du Smic pour les agriculteurs, c’est une communication formidable. Mais il ne faut pas oublier les pièges et les restrictions qui excluent bon nombre de cette mesure. »
S’appuyant sur les statistiques du Cor (Conseil d’orientation des retraites), le syndicaliste rappelle que les non-salariés agricoles sont la catégorie socioprofessionnelle touchant, pour une carrière complète, la plus faible pension brute mensuelle : en moyenne, 640 euros pour une femme et 930 euros pour un homme, contre 1 780 euros pour un salarié agricole (montants 2017).
L’appui du syndicat à cette « réelle avancée pour les retraites des agriculteurs » est « conditionné à une absence d’augmentation des cotisations des exploitants », souligne un communiqué diffusé le 12 juin 2020. « Seule la TVA sociale assurerait un financement pérenne, équitable et social », soutient Armand Paquereau.
Pour un vote sans amendement
De son côté, la Confédération paysanne salue « une étape importante pour la revalorisation des pensions », une avancée qu’elle revendique depuis longtemps et « aujourd’hui soutenue par l’ensemble des organisations professionnelles agricoles ». Dans un communiqué daté du 15 juin 2020, le syndicat appelle les députés à voter la loi « sans amendement qui viendrait limiter le nombre de ses bénéficiaires ou repousser encore sa mise en œuvre ».
En effet, si la majorité présidentielle a soutenu, en commission, la proposition de loi communiste, elle a toutefois déposé un amendement qui réduit son impact financier : celui-ci décale d’un an l’entrée en vigueur de la mesure, la portant au 1er janvier 2022. Il introduit aussi une mesure « d’écrêtement » ne permettant pas à des agriculteurs qui touchent des pensions d’autres régimes, de dépasser 85 % du Smic au total.
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Enfin, la Confédération paysanne souligne que « le travail doit se poursuivre pour améliorer les pensions des retraités agricoles qui ne bénéficieront pas de cette mesure », en particulier de nombreuses femmes qui « continueront à vivre avec des pensions misérables ». Beaucoup seront exclues de la garantie « 85 % du Smic » car les bénéficiaires devront justifier d’une carrière complète et de 17,5 ans en qualité de chef d’exploitation.
Actuels et futurs retraités concernés
« C’est une satisfaction de voir que les retraités actuels pourront accéder à un minimum de 85 % du Smic, alors que, jusqu’à présent, ils n’étaient pas concernés par les réformes du gouvernement », indique Robert Verger, président de la commission sociale de la FNSEA qui estime le coup de pouce entre 3 à 5 euros par jour. « C’est la solidarité nationale qui doit financer cette revalorisation, pas les cotisations des actifs, et ça nous va bien », ajoute-t-il.
Une manifestation de soutien
Dans un communiqué diffusé le 16 juin 2020, le Modef soutient également la proposition de loi du député Chassaigne, mais « s’oppose à l’amendement du député Damaisin et exige une revalorisation de toutes les pensions y compris pour les femmes et les aides familiaux à 1 200 € par mois ! » Le 18 juin, jour de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi, le syndicat des exploitants familiaux appelle « l’ensemble des paysans et des retraités » à manifester à Guéret, dans la Creuse, pour soutenir la revalorisation des pensions agricoles.