De 2008 à 2014, le dépassement du seuil fixé pour les molécules polluantes est passé de 14 % à presque 100 % des échantillons d’eau prélevés pour quatre rivières. En août dernier, la publication de ces données inquiétantes sur l’augmentation du taux de certaines molécules dans l’eau des rivières en milieu agricole a poussé le gouvernement québécois à revoir sa première stratégie, qui devait initialement se poursuivre jusqu’en 2021. L’objectif de réduire de 25 % les risques pour l’environnement et la santé demeure, mais les produits jugés les plus à risque, tels que les néonicotinoïdes, sont clairement dans la ligne de mire des autorités.

Rôle central des agronomes

La nouvelle stratégie 2015-2018 mise désormais sur le travail des agronomes. Les agriculteurs ne décideront plus seuls de l’utilisation des produits et devront systématiquement faire approuver leur application. Il est aussi prévu d’instaurer des distances minimales entre les épandages de pesticides et les zones habitées. « Toutes les recommandations d’application de pesticides devront être accompagnées de conseils environnementaux », confirme René Mongeau, président de l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ). Il s’agira, par exemple, d’utiliser la lutte intégrée quand cela est possible, de mettre en place des rotations appropriées ou de mesurer un degré d’infestation minimale.

« C’est une stratégie bureaucratique », s’énerve Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), le principal syndicat agricole au Québec. Plutôt que de réclamer un simple document occasionnant des frais, ce dernier préférerait un soutien direct aux méthodes alternatives et un soutien indépendant des agriculteurs sur le terrain. En effet, le rôle des agronomes fait débat, car certains dépendent d’entreprises commercialisant des produits phytosanitaires. « Il ne faut pas être naïf. Ils sont payés par des entreprises qui leur demandent d’occuper le marché. Ils ne porteront pas le message de pratiques alternatives », estime le président de l’OAQ, qui prône une utilisation raisonnée des molécules.

Une récente étude réalisée au Québec montre que seulement 15 % des surfaces emblavées avec des semences traitées aux néonicotinoïdes en auraient réellement besoin. Une application plus ciblée apparaît donc possible, si ces données sont validées par des essais à plus grande échelle.