Lancée au mois de janvier 2018 par sept maraîchers et arboriculteurs français regroupés dans le collectif Nouveaux champs, la démarche « zéro résidu de pesticides » (ZRP) a pris de l’ampleur. Si d’autres secteurs s’y sont greffés, tel que le vin ou les céréales (lire p. 48), c’est dans le secteur des fruits et légumes frais et transformés que le ZRP se démarque le plus. Moins de deux ans plus tard, ce collectif compte près de soixante entreprises. Il annonce un chiffre d’affaires de 59 millions d’euros à fin septembre 2019 et une croissance de plus de 100 % sur moins d’un an.
Depuis janvier 2018, plusieurs autres démarches ont vu le jour en parallèle, avec leur propre cahier des charges, validé par des laboratoires indépendants certifiés Cofrac. Ainsi, Nouveaux champs garantit une absence de résidu de pesticides dans les limites de quantification (lire p. 49). L’association Demain la terre propose, depuis le 25 février 2019, sa démarche intitulée « sans résidu de pesticide détecté », dans la limite de détection cette fois.
À ces conduites, basées sur les obligations de résultat, s’en ajoutent d’autres, celles établies sur les obligations de moyens. Demain la terre cumule les deux dans son offre « Cultivé sans pesticide de synthèse ». Avec un slogan très proche, l’offre de l’Alliance nature et saveurs (Solareen, Prince de Bretagne et Savéol), lancée au printemps 2018, est pourtant différente. Elle garantit une absence de traitement sur ses tomates avec des produits « de synthèse, de la fleur à l’assiette ».
À l’image d’Andros (jus de fruits, confiture), Panzani (concentré de tomate) ou Bonduelle (lire p. 48), certaines marques ajoutent leur pierre à l’édifice avec leurs propres démarches, tout comme certaines coopératives (Les Celliers associés, Agrial…).
Pistes brouillées
« Les labels fleurissent… mais tous ne se valent pas », avaient estimé, en mars 2018, plusieurs ONG (Générations futures, Greenpeace, France Nature environnement…). Elles dénonçaient des « labels trompeurs », qui garantissent uniquement l’absence des molécules recherchées et qui ne répondent pas aux problématiques environnementales. Elles estimaient que les certifications bio et HVE (haute valeur environnementale) étaient les seules à certifier une agriculture durable.
En tomates, les offres en « sans » ou « zéro » sont assez bien accueillies par les consommateurs, indique le CTIFL (2) et FranceAgriMer, au travers d’une étude commandée par l’AOPn (3) tomates et concombres de France. Elles sont cependant source d’une « grande confusion entre les différentes offres » (voir infographie p. 49) et « d’une incompréhension de certains messages trop scientifiques, qui interrogent plus qu’ils ne rassurent », estiment les auteurs.
Au sein du monde agricole, l’idée de segmenter l’offre ne fait pas l’unanimité. « Pour quelques pourcentages de la production, on se demande si on ne risque pas de jeter la suspicion sur le reste », se demande Daniel Sauvaitre, président de l’association Pommes poires, qui déclare avoir davantage un parti pris de confiance dans la réglementation.
Olivier Ayçaguer, responsable du service économie et compétitivité filière chez Interfel, assure que « des outils d’accompagnement sur l’utilisation de ces allégations sont rédigés et en cours de validation ».
Pour Jean-Paul Bordes, directeur général de l’Acta (4), « aujourd’hui c’est le zéro résidu de phyto, demain ça pourrait être d’autre chose : d’alcaloïdes ? De mycotoxines ? C’est une course sans fin qui protège davantage l’esprit que le corps. » Il estime qu’il faut donner aux consommateurs une vision globale du produit et de sa qualité en faisant un effort de pédagogie.
Démarche de progrès
Cet effort de communication, la coopérative Agrial s’y est engagée, en lançant « Agrilogique ». « Cette initiative va au-delà de la garantie de zéro résidu. Nous axons aussi notre marketing sur nos obligations de moyens », indique Emmanuel Neveu, directeur des achats et de l’amont agricole de la branche des légumes et fruits frais de la coopérative.
Quel que soit le collectif impliqué, un ensemble de pratiques sont, en effet, mises en place pour parvenir au résultat escompté (lire les témoignages). Pour les défenseurs des labels, cela tire les filières vers le haut et participe à un processus d’amélioration continue. Les Nouveaux champs indiquaient, le 18 octobre, que les producteurs de fruits et légumes labellisés en 2018 ont fait baisser leur IFT (indice de fréquence de traitement) de 51 %. Le collectif faisait également part d’une adhésion massive à la certification HVE.
Autre argument, celui de trouver de la valeur pour les exploitants. Les produits portant ces allégations se situent sur une gamme de prix intermédiaires entre le bio et le conventionnel. Environ 25-30 % plus chers que ce dernier. Selon les démarches, ce montant se répercute en partie sur le prix payé au producteur.
(1) Autorité européenne de sécurité des aliments.
(2) Centre technique interprofessionnel des fruitset légumes.
(3) Association d’organisations de producteurs.
(4) Association de coordination technique agricole.