À l'horizon de 2035, « les protéines alternatives sont estimées représenter environ 11 % du marché mondial des protéines alimentaires, dominées notamment par les protéines alternatives végétales ». Le service de recherche du Parlement européen a publié en avril 2024, un rapport comparatif des protéines alternatives et des protéines conventionnelles, en étudiant leur intérêt dans l’alimentation.
Bilan de leurs recherches, les algues et les insectes présentent le plus grand potentiel en tant qu’ingrédients alternatifs dans les produits multi-ingrédients, mais aussi dans l’alimentation animale. Pour la viande cultivée, des problèmes d’acceptation par le consommateur doivent encore être surmontés.
Les protéines alternatives pourraient renforcer la sécurité alimentaire et contribuer à un équilibre protéique durable en Europe, mais elles sont encore émergentes. « Leur futur dépend largement de divers facteurs, notamment des progrès technologiques, des cadres réglementaires et de la dynamique du marché », précise le rapport.
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L’Europe est déficitaire en protéines
Si les nouvelles protéines suscitent autant d’intérêt, c’est en raison des nombreux enjeux autour de l’équilibre protéique européen. Déficitaire en protéines, l’Union européenne importe près de 26 % de ses protéines pour couvrir la consommation des habitants. Le conflit russo-ukrainien a par ailleurs accru l’inquiétude des pays européens vis-à-vis de leur dépendance aux pays tiers.
Autre enjeu, la plupart des protéines de notre alimentation sont d’origine animale, et donc fortement émettrices de gaz à effet de serre. À la fois le contexte de changement climatique et les prévisions qui font état d’une hausse de la consommation de protéines à l’échelle mondiale, justifient la nécessité d’explorer d’autres scénarios et potentiels de protéines pour l’Europe.
Algues, insectes, fermentation microbienne (levures, champignons, bactéries) et viande cultivée ont ainsi été comparés sur leurs besoins en énergie et en ressources, leur impact environnemental, leur contenu nutritionnel ou encore leur potentiel de substitution aux protéines conventionnelles. Une comparaison rendue « malaisée » en raison du faible nombre de travaux et de données existantes, précisent les auteurs de l’étude.
Globalement, de meilleurs résultats sur les ressources utilisées
Sur la question de l’utilisation des terres et des matières premières, chacune des protéines alternatives évaluées a une utilisation « équivalente ou inférieure à celle des protéines conventionnelles ». D’autre part, certains processus de production ont recours aux déchets émis par d’autres productions, limitant leur impact.
Les algues présentent « sans équivoque de meilleurs résultats » sur l’utilisation de la ressource en eau, puisqu’elles sont cultivées dans l’eau de mer. Bien que les données soient incertaines, la fermentation microbienne et la viande cultivée sont susceptibles de consommer beaucoup moins d’eau que la production bovine.
Les besoins énergétiques des protéines alternatives sont plus complexes à évaluer, car ils dépendent fortement des processus et des intrants utilisés. En revanche, les auteurs de l’étude soulignent que leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) sont inférieures à celles de la viande bovine et des produits laitiers, « bien que la viande cultivée puisse avoir des émissions comparables à celles des systèmes de production de volaille les plus efficaces ».
Un contre-exemple existe cependant avec la production d’algues, qui, lorsqu’elle est destinée à l’alimentation animale, génère plus d’émissions de GES que la culture de soja.
Intérêts nutritionnels prometteurs
« Certaines protéines alternatives offrent un profil nutritionnel bénéfique par rapport aux protéines animales conventionnelles », avance le rapport. Néanmoins, la biodisponibilité des nutriments qu’elles contiennent reste insuffisamment étudiée.
Il ressort malgré tout que la teneur en protéine est plus élevée pour les microalgues et les insectes, comparativement aux sources de protéines conventionnelles. Il en va de même pour leur teneur en fibres, vitamines et minéraux. Pour la teneur en matières grasses, les algues sont particulièrement intéressantes, d’autant plus qu’elles contiennent des acides gras sains en concentrations élevées.
La fermentation microbienne, avec les mycoprotéines, s’impose également pour sa richesse en micronutriments, et sa faible teneur en matière grasse. La viande cultivée est quant à elle supposée fournir le même profil de nutriments que les produits carnés conventionnels.
Investir dans la recherche pour répondre aux freins restants
« Les protéines alternatives se heurtent à des obstacles considérables lorsqu’il s’agit d’étendre les technologies et d’atteindre la viabilité commerciale, par rapport aux sources conventionnelles subventionnées », indique le service de recherche du Parlement européen.
Optimiser les technologies, les capacités de production et de transformation, réduire les intrants, diminuer les coûts, naviguer entre les règlements complexes et les barrières législatives constituent les obstacles majeurs. En outre, les données limitées et parfois obsolètes sont un frein supplémentaire à leur développement.
Pour accompagner le développement et la production de protéines alternatives au sein de l’Union européenne, le rapport du Parlement européen propose plusieurs leviers :
- Un financement ciblé de la recherche pour faire progresser les technologies et combler les lacunes en matière de connaissances ;
- Des investissements de politique industrielle dans les infrastructures et les installations de transformation ;
- L’intégration de considérations environnementales dans les processus d’approbation réglementaire.
Par ailleurs, les chercheurs constatent que les investissements en recherche et développement ont augmenté pour toutes les sources de protéines alternatives au niveau européen, afin de soutenir la recherche et la commercialisation, même si les autorisations de marché ne sont pas encore obtenues dans le cas de la viande cultivée.