Vous insistez sur deux types de liens entre occupation des sols et changement climatique. Quels sont-ils ?

Le rôle de puits ou de source de CO2 des terres ou des systèmes « sol-plante » est aujourd’hui largement connu mais son influence sur le climat local via le cycle de l’eau est moins souvent mise en avant. Pourtant, nos actions sur le paysage sont finalement celles qui ont l’effet le plus perceptible à notre échelle.

Ainsi, en plus des compensations carbone, les évolutions de pratiques pourraient être pensées de manière à tirer localement les bénéfices des efforts consentis. Par exemple, la plantation de haies est au-delà du stockage de CO2 à l’origine de turbulences de l’air, lequel paraît plus frais. Elle contribue également à l’infiltration de l’eau dans les sols, favorisant l’évapotranspiration qui est un facteur important de rafraîchissement des surfaces et de l’air, ce qui est précieux dans le contexte du réchauffement climatique.

Pourquoi est-il important d’avoir un sol couvert en permanence et une végétation étagée ?

La couverture des sols est reconnue comme une solution pour accroître leur capacité de stockage du carbone. Elle constitue aussi une solution d’adaptation à l’intensification du cycle de l’eau. Le réchauffement climatique augmente en effet la quantité d’eau stockée dans l’atmosphère, ce qui contribue à une intensification des évènements pluvieux. Dans ces conditions, il est essentiel de développer la capacité d’infiltration de l’eau avec un sol couvert d’une végétation active. Différentes strates végétales ralentissent d’autant plus la vitesse des gouttes d’eau limitant l’effet splashing (1) et donc le risque d’érosion.

En conditions chaudes et sèches, la végétation contribue de plus par son évapotranspiration à l’ennuagement, donc au rafraîchissement de l’air telle une brumisation. Cet effet combiné à la réduction de la convection de chaleur sèche permet de réduire les températures de 2 à 6°C selon les situations aux moments de canicules et la nuit.

Enfin, les paysages contrastés incluant haie, forêt, mare favorisent la turbulence de l’air, moteur de son rafraîchissement.

Vous travaillez également sur les services climatiques. De quoi s’agit-il ?

Un service climatique fournit des informations climatiques utiles pour aider à la décision. Pour le monde agricole, par exemple, nous traduisons les projections climatiques en stress météorologiques subis par certaines cultures au fil de leur développement.

Il est essentiel que ces services soient conçus en fonction des critères impactant chaque activité agricole et des évolutions observées localement. Malheureusement, la question se pose aujourd’hui du financement de ces outils d’aide à la décision et au-delà de l’accompagnement politique et économique.

Pourquoi cet accompagnement des agriculteurs vous paraît-il indispensable face à l’enjeu climatique ?

J’observe que les mesures ponctuelles d’adaptation ou de lutte contre la perte de biodiversité ne font qu’appauvrir les agriculteurs. Afin d’aboutir à une restauration des marges brutes, les changements doivent être entrepris de manière simultanée mais cela ne peut s’envisager qu’avec un accompagnement politique et économique fort dans la transition. En effet, là où une production devra être remplacée, les filières devront également se réorganiser.

(1) Phénomène résultant du contact entre le liquide et le sol s’apparentant à une éclaboussure.