Les scientifiques de l’unité « Caractérisation et suivi des phénomènes d’évolution des résistances » (Casper) du laboratoire de Lyon de l’Anses, sous contrat avec l’Inrae, ont mené une étude en collaboration avec un chercheur de l’université d’Exeter (Royaume-Uni). Ses résultats précisent les mécanismes de résistance des pucerons verts du pêcher (Myzus persicae) aux néonicotinoïdes.
Le puceron vert fait de la résistance (15/01/2010)
Réalisée sur le thiaclopride, désormais interdit en France, l’étude a fait l’objet d’une publication dans la revue « Pest Management Science » en juillet 2024. Elle avait pour but de « mieux comprendre la résistance des insectes aux produits phytopharmaceutiques en général » pour « ralentir l’évolution de résistances, qui aboutissent à la diminution de l’efficacité de ces produits ».
Deux mécanismes de résistance
« Nous savions déjà grâce à des études précédentes que la résistance de ces pucerons aux insecticides est due à deux mécanismes, mais nous ne savions pas quelle était la contribution de chaque mécanisme dans la résistance totale observée », explique Claire Mottet, scientifique dans l’unité Casper et première autrice de l’étude. L’un de ces mécanismes est appelé résistance de cible, l’autre résistance métabolique.
Chez les insectes porteurs d’une résistance de cible, une mutation génétique a modifié la configuration d’un récepteur et la molécule est incapable de s’y fixer, ce qui rend l’insecticide inefficace. Pour le second mécanisme, il s’agit d’une surproduction d’enzymes de détoxification qui permet aux pucerons de dégrader l’insecticide. « La production de ces enzymes dépend de la présence et de l’expression de plusieurs gènes », signale l’étude.
Une synergie détectée
Résultat : la concentration nécessaire pour tuer la moitié des pucerons (ou CL50) est jusqu’à 240 fois supérieure pour les pucerons porteurs des deux mécanismes de résistance par rapport à ceux non porteurs de résistance. Les scientifiques ont ainsi découvert que les deux mécanismes de résistance agissent en synergie : « Chez les insectes qui portent les deux mécanismes, la résistance dépasse ce qui pourrait être attendu si l’effet des deux types de résistance s’additionnait simplement. »
« Nous avons aussi observé que la résistance métabolique contribuait à une part importante de la résistance totale. Nous ne nous attendions pas à ce résultat car chez les autres insectes, la résistance de cible est habituellement considérée comme plus importante que la résistance métabolique », commente Claire Mottet.
Pas d’application immédiate
Elle conclut : « Mieux comprendre la résistance des insectes est important pour adapter les stratégies de lutte. Dans le cas de notre étude, l’interaction entre les deux mécanismes semble trop complexe pour que l’on puisse en tirer une application immédiate. Mais nos résultats montrent qu’il est possible de mieux comprendre la nature de la résistance observée chez les pucerons, en distinguant l’importance relative des différents mécanismes de résistance impliqués. »