Cet automne, le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) a fait une apparition remarquée dans le Centre et le quart nord-est de la France, notamment en Lorraine, où quelques parcelles de colza ont subi des attaques exceptionnelles, entraînant de graves dégâts directs.
Ces fortes infestations s'expliquent par des vols plus importants que les années précédentes, mais aussi par l'application de pyréthrinoïdes pour lutter contre d'autres insectes.
« Ces traitements ont créé un déséquilibre dans les populations d'insectes en détruisant les auxiliaires et en laissant la place au puceron vert, qui est résistant à cette famille de molécules », précise Didier Chollet, ingénieur régional au Cetiom à Lyon.
La résistance aux pyréthrinoïdes diminue considérablement la liste des produits autorisés efficaces, si bien qu'avant cet automne, seules les solutions à base de pyrimicarbe permettaient de lutter contre cet insecte.
Depuis, un nouvel insecticide, le Proteus, composé de deltaméthrine et d'une nouvelle molécule, le thiaclopride, a été homologué sur colza et les résultats obtenus cet automne montrent une bonne efficacité sur Myzus persicae.
Perte d'efficacité du pyrimicarbe
« L'arrivée du Proteus va ôter une épine du pied des producteurs champenois, qui voyaient l'efficacité des autres produits se dégrader depuis 2006 », commente Yannick Ballanger, ingénieur spécialiste insecticides au Cetiom.
Les résultats décevants du pyrimicarbe en Champagne sont préoccupants, car ils suggèrent une résistance des pucerons à cette substance.
« Nous savons, grâce à une étude réalisée en 2001, qu'il existe chez ce puceron une mutation de cible, qui entraîne une forte résistance au pyrimicarbe. Cette mutation, peu présente en France, aurait déclenché une réponse plus intense que ce qui a été observé sur le terrain », signale Yannick Ballanger.
L'explication serait plutôt une résistance métabolique qui confère aux pucerons la capacité de surproduire certaines enzymes. Ces dernières détruisent les molécules anormalement présentes dans leur organisme, comme le pyrimicarbe ou les pyréthrinoïdes.
Pour suivre ces populations de pucerons et leurs niveaux de résistance, un service de biovigilance et un monitoring insecticides sont en cours de création.
L'Afssa (1) et le laboratoire du service de la protection des végétaux de Lyon vont étudier les méthodes et dispositifs à mettre en oeuvre.
En attendant d'en savoir plus, le Cetiom conseille toujours d'alterner les matières actives pour maintenir leur efficacité et de rester vigilant en observant les parcelles régulièrement pendant les six premières semaines de culture (stade sensible).
Le seuil d'intervention de 20 % de plantes portant des pucerons doit également être respecté.
Pour préserver les auxiliaires (coccinelles, syrphes...) qui interviennent dans la régulation des populations de pucerons, les traitements aux pyréthrinoïdes devront, si possible, être évités.
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(1) Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Un vecteur de virosesLe puceron vert du pêcher est plus connu pour son rôle de vecteur de viroses que pour les rares dégâts directs qu'il peut occasionner. En piquant les feuilles du colza, il peut inoculer trois virus : la jaunisse du navet et les mosaïques du chou fleur et du navet. Ces viroses ont un impact assez systématique et parfois important sur le rendement, avec des pertes pouvant atteindre plus de 6 q/ha. Le risque viroses est difficile à évaluer car elles sont peu visibles et par conséquent délicates à repérer sans témoin sain pour comparer. |
Autres pucerons : pas de résistanceAucune résistance aux pyréthrinoïdes n'est avérée pour le puceron cendré et le puceron du navet, eux aussi vecteurs de viroses. |