Une équipe de chercheurs de l’Inra planche sur une nouvelle approche de lutte contre drosophila suzukii : la technique de l’insecte stérile. Elle consiste à produire des mâles stérilisés par ionisation dans des fermes d’élevage. Une fois lâchés dans les vergers infestés, ils s’accouplent aux femelles sauvages qui n’auront, ainsi, pas de descendance. Si ces mâles stériles sont suffisamment nombreux, ils prennent le dessus sur les mâles féconds. Grâce à cette méthode contraceptive, la population du ravageur diminue dans les parcelles. « Elle peut être utilisée sur de nombreux autres parasites, comme la mouche de l’olive, le carpocapse, les tordeuses…, explique Simon Fellous, chargé de recherche à l’Inra. Elle est toutefois très pertinente sur drosophila suzukii, car il n’existe que très peu de moyens pour la combattre à ce jour. » Autre particularité de cette solution, elle vise une seule espèce à la fois. Elle n’a donc pas d’incidence sur les ennemis naturels du ravageur, ce qui facilite son acceptation sociale.

Seuils économiquement viables

Plusieurs programmes conduits à l’étranger ont montré son efficacité. En Europe, le seul et le plus important se trouve en Espagne, dans la région de Valence. Il a été mis en place pour lutter contre la cératite, ou la mouche méditerranéenne, il y a une quinzaine d’années. « Il a permis une réduction des populations du parasite à des seuils économiquement viables sur agrumes, pêches et kakis », annonce Simon Fellous.

En Colombie-Britannique (Canada), le programme Oksir a été lancé contre le carpocapse sur près de 5 000 ha où des lâchers hebdomadaires ont été réalisés à partir de 1995. Des pièges à carpocapses ont été implantés dans des zones tests. Avant le début de l’expérience, les arboriculteurs capturaient de 2 à 4 papillons par piège en moyenne toutes les semaines. À partir des années 2000, leur nombre a sensiblement diminué : moins de 1 par semaine tous les 10 pièges. La démarche a en outre permis de réduire de 65 % les traitements insecticides. Mieux, seulement 40 % du coût de ce programme est financé par les producteurs. Le reste est pris en charge par la collectivité via une taxe locale créée à cet effet. Autre avantage, les pommes issues de ces vergers, garanties « sans carpocapse », s’exportent plus facilement aux États-Unis et en Asie, soucieux de consommer des fruits avec moins d’intrants.

« Nous avons bon espoir de faire reculer drosophila suzukii grâce à cette méthode », observe Simon Fellous. Reste à faire évoluer la réglementation. Car à ce jour, il n’existe pas en France de cadre légal à l’utilisation de cette technique sur la protection des végétaux. Les professionnels de la filière y travaillent. Des essais pourraient intervenir d’ici deux à trois ans.