Le projet Capriv, pour « Concilier application des produits phytopharmaceutiques et protection des riverains », a livré ses conclusions. Engagé à la suite de l’évolution réglementaire liée aux zones de non-traitement (ZNT) en synergie avec trois filières (grandes cultures, arboriculture et viticulture), il a pris fin en 2022. Après analyse, les partenaires (1) ont communiqué les résultats à l’été 2023.
L’utilisation de buses antidérive peut, sous conditions, réduire les distances de sécurité à appliquer. « Leurs classes (–66 %, –75 % et –90 %) sont déterminées en laboratoire, avec des mesures de dérive uniquement sédimentaires, rappelle Benjamin Perriot, ingénieur chez Arvalis. L’idée était de vérifier leur efficacité en condition réelle : aux champs, en présence de vent, et en mesurant aussi la dérive aérienne et l’exposition aux riverains. »
Trois buses à injection d’air, une par classe, ont été comparées à une buse à fente classique, en mimant des applications de fongicide sur blé. Pour les deux types de dérive, « elles affichent des performances de réduction supérieures à la limite basse de leur classe », indique l’expert.
Les données de l’évaluation de l’exposition des riverains, réalisée grâce à des mannequins disposés à différentes distances de la zone d’application, n’ont pas pu être pleinement exploitées. « Nous avons eu des problèmes de mesure liés à l’extraction des colorants utilisés pour mimer le produit phytosanitaire, explique-t-il. Mais nous avons tout de même constaté une nette différence entre les buses à injection d’air et à fente classique. »
Évolution des modèles d’homologation
Mais pour l’heure en grandes cultures, « les distances de sécurité ne sont pas ajustées en fonction des différentes classes de buses, rappelle l’expert. Par ailleurs, le modèle d’homologation européen utilisé par l’Efsa (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) ne tient compte que des buses qui réduisent la dérive de 50 %. » La répercussion est directe : « Lors du processus d’homologation, les distances de sécurité calculées sont plus élevées que si le modèle avait pris en compte des buses plus performantes », souligne Benjamin Perriot. La révision de ces modèles est attendue avec impatience. « Le revers de la médaille, c’est que les distances seront probablement définies en fonction des classes de buses », souligne l’ingénieur.
« Il est difficile d’estimer le calendrier, mais la balle est dans le camp de l’Efsa », indique-t-il. Les données brutes lui ont été communiquées à la fin de juin 2023. « Il y a eu des projets comme Capriv dans d’autres pays européens. L’Efsa a recueilli l’ensemble des résultats durant l’été et est en train de les analyser. »
Difficile prise en compte des haies
Autre volet pour le projet Capriv : l’évaluation d’autres dispositifs antidérive. Pour les grandes cultures, le focus est fait sur la présence de haies.
Les essais menés en 2022 ont montré qu’à elle seule, une haie permet de réduire la dérive de plus de 70 % dans la quasi-totalité des expérimentations. Elle équivaut ainsi, selon Arvalis, à l’utilisation d’une buse homologuée à 66 %, voire à 75 %. Couplée à l’utilisation d’une buse, quelle que soit sa classe, elle réduit la dérive de plus de 90 %. Les données collectées durant le projet sont les seules disponibles sur la thématique. « On espère beaucoup qu’ils servent », déclare l’ingénieur.
Les mesures ont été réalisées sur une haie qui est « relativement représentative de ce que l’on peut retrouver dans le paysage français, juge Benjamin Perriot. Mais la question qui se pose, c’est la prise en compte de leur diversité, sur les notions de hauteur et de porosité. Ce qu’il faudrait, c’est réussir à les caractériser et créer une typologie. C’est très compliqué, d’autant que la porosité varie au cours du temps avec l’évolution du feuillage par exemple. »
La FNSEA et ses associations spécialisées demandent depuis plusieurs années la prise en compte des haies et des classes de buses pour abaisser les distances de sécurité des ZNT. « On nous avait répondu que ce n’était pas prouvé scientifiquement », a déclaré Eric Thirouin, président de l’AGPB, le 21 septembre 2023. « Nous demandons que l’Anses et les pouvoirs publics se saisissent de cette étude pour adapter la réglementation aux nouveautés et innovations techniques. »
(1) Arvalis, l’Inrae, le CTIFL, l’Anses et l’IFV.