Depuis les années 1980, les chiens de conduite ont largement trouvé leur place dans les systèmes pâturants de l’ouest de la France. Aujourd’hui, confrontés à la prédation, aux vols et à l’arrivée du loup (lire l’encadré), les éleveurs s’intéressent de près aux chiens de protection. « Leur comportement n’a rien à voir avec celui d’un chien de conduite », prévient Anthony Fiard, relais du réseau « Chiens de protection » de l’Institut de l’élevage (Idele) en Bretagne.
Ancien berger en zone de prédation du loup, Anthony élève aujourd’hui 300 brebis en semi-plein air à Trémargat (Côtes-d’Armor). Il a adopté une conduite en deux lots avec des mises bas en septembre-octobre et janvier-février. L’éleveur utilise des chiens de protection depuis son installation, en 2021. Pour l’instant, trois patous adultes sont au travail. Un chiot de six mois, baptisé Unik, est en apprentissage.
Né au milieu des moutons
L’Idele a mis en évidence les attendus d’un chien de protection. Il doit inspirer la confiance au troupeau et le respecter, lui présenter un attachement fort, être manipulable par son maître et pas agressif envers l’humain, et enfin, être dissuasif envers les intrus (chiens errants, animaux sauvages, etc.). L’attachement au troupeau se joue dès la naissance. « Il faut prendre un chiot né dans un troupeau », conseille Anthony.
« L’idéal est que la chienne ait mis bas dans la bergerie. À défaut, le chiot doit impérativement avoir été placé au cœur d’un lot entre le troisième et le quinzième jours de vie », complète Béatrice Reynaud, éleveuse de brebis et de chiens de protection dans les Hautes-Alpes qui a cet automne formé des éleveurs de l’Ouest.
Dans sa bergerie, Béatrice a aménagé une zone de refuge. C’est là que la chienne met bas. Passé trois semaines, les chiots commencent à s’en éloigner et vont au contact des ovins. « Il faut éviter les brebis prêtes à agneler, pour empêcher la consommation de délivrance. » En parallèle, l’agricultrice les habitue à des odeurs, des bruits, et des sons différents (1).
15 minutes par jour
Avec Unik, Anthony introduit son troisième chiot dans le troupeau. Il l’a d’abord mis avec un lot de 15 à 20 agnelles sevrées, en bergerie. « Au travers des agnelles qui vont faire toute leur carrière ici, c’est tout le troupeau qu’on habitue. » Progressivement, l’éleveur a augmenté le nombre de jeunes femelles. Au bout d’un à deux mois, le lot a été mis au pâturage avec le chiot.
Pendant la phase dite d’imprégnation réciproque, Anthony consacre 15 minutes par jour au chiot, pas plus. « Un chien de protection doit être plus attaché au troupeau qu’aux humains », explique-t-il. En pratique, lorsqu’il entre dans le lot, le chien n’est pas sa priorité. « C’est même le contraire, j’attends qu’il se désintéresse de moi pour m’y intéresser et l’appeler. »
À ce moment, il va le soulever pour provoquer une perte de repère, passer une main sous le cou, sur la tête, toucher les pattes, la queue, palper les dents, etc. En le manipulant, « l’idée est de l’habituer à tout ce qui pourra sortir de l’ordinaire comme aller chez le vétérinaire. »
(1) Voir le film « Rasco et Nous » réalisé avec le concours de l’Idele disponible sur Youtube.