Rentrer dans l’atelier de Jérôme Désigaud, à Puycelsi dans le Tarn, c’est explorer un monde à part. Ici, des cucurbitacées de toutes tailles et des instruments de musique pendent au plafond. Il faut dire que le maître des lieux est maraîcher-luthier professionnel depuis 2011. L’ancien intermittent du spectacle cultive désormais les calebasses, appelées « cougourdes » en Occitanie, et les transforme en instruments à vent, à cordes ou à percussion. « J’ai besoin, en tant que créateur, de me nourrir des idées farfelues des musiciens pour m’approcher de leur rêve. Ça m’éclate », sourit-il.
À l’image de ses œuvres, l’homme est surprenant sur la forme mais tout en mesure sur le fond. « Je prends bien soin de chaque étape pour faire pousser et sélectionner mes cougourdes. Puis, je façonne et règle chaque réalisation. » Aucune place n’est laissée à l’improvisation. Patience et doigté sont de rigueur.
En harmonie avec les autres et le monde
Cette délicatesse, Jérôme la porte aussi aux personnes qu’il rencontre. Plein d’empathie, il aime organiser des ateliers de fabrication de maracas et autres petites trompes traditionnelles auprès de divers publics. « C’est hyperenrichissant de travailler avec des gens différents, s’enthousiasme celui qui intervient non seulement dans le Sud-Ouest, mais aussi à Paris, Nice… Ça nous permet de voir les choses à leur manière… Et ça peut nous rendre service ! » Exemple ? Pour aider une personne handicapée à racler un fruit, il a ajouté de la paille de fer à une perceuse. Un montage qui lui sert désormais très souvent.
« Je fais aussi ces ateliers pour transmettre. Ma passion et ce patrimoine. » Au fil du temps et des rencontres, le luthier, qui travaillait les cougourdes sur les façons asiatiques et africaines, s’est tourné vers les traditions occitanes. La rencontre, en 2005, avec Jérémy Couraut, du groupe occitan Djé balèti, l’ouvre sur l’utilisation des cougourdes dans la musique traditionnelle occitane. « Ça me plaît de conserver ce savoir-faire, témoigne-t-il. Ce matériau, c’est aussi une sorte de trait d’union entre de nombreux peuples de la planète », conclut le quadragénaire.