Le jour où, en mars 2024, j’ai défait le barrage d’un castor pour sauver mon champ de blé, j’étais loin d’imaginer les suites judiciaires et médiatiques de mon geste, confie Frédéric, éleveur de charolais. Je voulais juste inciter l’animal à rejoindre ses congénères 100 m plus loin dans la rivière. Mal m’en a pris. Convoqué, à la suite d'une dénonciation, par l’Office français de la biodiversité (OFB), j’ai dû aller me justifier, comme un malfrat devant le directeur régional.

Voir autant d’énergie et de moyens consacrés à une telle histoire m’a choqué. L’OFB s’est déplacé ensuite à deux reprises sur mon exploitation, une fois avec la Dreal (1), une fois avec un représentant du musée d’histoire naturelle. La dernière fois, les agents sont venus à deux avec leurs revolvers bien visibles, pour me faire signer la convocation devant la justice le 7 janvier 2025. C’était humiliant.

« Rassurer ma famille »

À l’approche du passage au tribunal, j’ai ressenti la nécessité d’informer mes enfants, un garçon de 10 ans et deux filles de 16 et 21 ans. Jusque-là, j’avais tout fait pour laisser ma famille à l’écart de cette affaire. J’avais également choisi de ne pas m’exprimer sur les réseaux sociaux. Mais quand mon entourage a pris conscience des enjeux encourus (150 000 € d’amende et trois ans d’emprisonnement), l’inquiétude a grandi.

J’ai aussi ressenti le besoin d’être soutenu. J’ai posté un message sur Facebook. Les retours énormes reçus de la France entière, ainsi que les nombreux articles publiés dans les médias nationaux, m’ont fait du bien. Ils ont aussi rassuré mes enfants qui ont constaté que je n’étais pas seul. En agriculture, on sait se retrouver et être solidaires quand ça va mal.

La décision de justice (avertissement pénal) m’a soulagé mais je reste choqué par le comportement de l’OFB. J’ai vu des agents se sauver de mes parcelles plutôt que de venir me rencontrer. Ils m’ont fait par la suite des propositions incohérentes : rehausser le niveau de ma parcelle en y ramenant de la terre. Un vrai délire ! Je souhaite que l’état d’esprit de cette agence évolue positivement.

Le monde agricole qui est le premier à travailler pour la biodiversité, en a marre de subir, non seulement le loup, les lâchers de lynx mais aussi maintenant les castors. À ce rythme, il ne restera demain plus beaucoup de paysans.

(1) Dreal : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.