En France, un chef d’exploitation sur quatre est une femme. Si ce chiffre a le mérite de fixer les choses, il ne dit rien de la vie de ces agricultrices. « En particulier de celles qui, comme moi, sont dans un schéma encore rare », témoigne Élodie Choplin, 38 ans. Titulaire d’un BTS GPN (1) et d’un BTS Acse, la jeune femme a travaillé cinq ans comme comptable dans un centre de gestion agricole, avant de s’installer en 2016.
« L’agriculture, j’ai ça dans les tripes depuis l’enfance ; je réalisais mon rêve. » Élodie a intégré un Gaec “lait-volailles” de 190 ha. Elle a remplacé l’un des deux associés, qui partait à la retraite ; après un parrainage d’un an. « Je ne viens pas du milieu agricole et mon mari est salarié, dans le secteur privé. Rapidement, j’ai compris que j’aurai plus de mal à concilier vies professionnelle et personnelle. Autour de moi, toutes les agricultrices sont installées avec leur mari. Elles bénéficient d’une souplesse au quotidien que je n’ai pas », pointe la maman de Loan (13 ans) et Margot (8 ans).
Une place pour l’art
En quête d’échanges et de repères, l’éleveuse rejoint un groupe de parole en 2019. Réservé aux femmes, il est porté par Solidarité Paysans 72 et regroupe — une fois par mois — une dizaine d’agricultrices, d’épouses ou compagnes d’agriculteurs. Dans cet espace, Élodie a pu se poser. « Embarquer sa famille dans une installation agricole, c’est une pression forte ! D’autant plus que nous avions déménagé de 40 km. »
Le groupe est animé par une psychologue. Loin du « papotage-café », il s’est structuré autour de projets. Élodie a participé à l’écriture de la pièce de théâtre « A toi de jouer », puis est montée sur les planches pour les représentations. L’agricultrice a aussi appris à sculpter l’argile. Entre relecture de vie et pratiques artistiques, ces femmes de la terre ont noué des liens puissants. Il y a trois ans, l’associé puis le mari d’Élodie ont été hospitalisés ; l’un et l’autre, plusieurs semaines. « Elles ont été là ! Ce que je vivais résonnait toujours chez l’une ou l’autre : c’est une écoute précieuse que je souhaite à toute agricultrice. Le groupe nous rend plus fortes. »
(1) Gestion et protection de la nature.