Au départ, le cinéma n’était qu’un prétexte pour partir loin. Les parents de Louise Courvoisier, musiciens, s’étaient lancés dans l’agriculture en montant une petite ferme céréalière dans le Jura. Cressia, où elle a grandi, compte 260 âmes et peu de distractions pour une adolescente. « J’ai eu envie de voir ailleurs, confie Louise Courvoisier. Alors, j’ai pris l’option cinéma au lycée Pasteur à Besançon parce qu’elle me permettait d’être prise à l’internat. Je n’y connaissais rien : j’avais vu trois films dans ma vie ! »
Là-bas, elle en visionne plein et y prend goût. Plus tard, elle intègre pour trois ans la Cinéfabrique qui vient d’ouvrir à Lyon, et touche à la fabrication – son, montage, réalisation… Une révélation. A la sortie de l’école, son premier court-métrage Mano a mano est primé par la Cinéfondation à Cannes.
Une passerelle entre la campagne et le cinéma
C’est dans sa campagne jurassienne qu’elle revient tourner son premier long-métrage de fiction, Vingt Dieux, récompensé en 2024 du prix de la jeunesse à Cannes puis du prix Jean Vigo. Pour cette épopée fromagère aux accents du terroir, elle a choisi des comédiens non professionnels. Des personnes du cru, authentiques dans « leur accent, leur manière de bouger ». « Les gens par chez moi sont souvent taiseux, mais parlent aussi par leurs regards et leurs corps », explique-t-elle. Elle a recruté des jeunes comédiens dans des comices, des BTS agricoles ou des courses de stock-cars. « Ils ont les physiques qui vont avec leurs vies », souligne celle qui a « cherché une esthétique dans le brut et pas dans le lisse », estimant que les aspérités des corps « racontent aussi quelque chose ».
Le film met en scène une ruralité que Louise connaît bien, et dont les jeunes « [la] touchent ». Elle sourit de la réaction de certains spectateurs éloignés de ce monde : « On m’a parfois dit que cela semble violent chez moi alors que je pensais avoir été soft ! Il y a des choses dont on ne se rend pas compte tellement c’est évident, culturel… Des gens qui s’explosent des bouteilles sur la tête, j’en ai vu dans mon passé de bal ! »
La justesse des personnages et des situations a été unanimement reconnue lors des projections en avant-première dans la région. Dans ce film à la fois drôle et émouvant, « la jeunesse rurale est dépeinte sans fard ni misérabilisme, touchante par la sensibilité et la vérité des personnages », salue ainsi l’interprofession du comté.
Pour Louise Courvoisier, au-delà des récompenses reçues par le film, l’une des plus grandes satisfactions est d’avoir permis « une passerelle entre deux mondes ».