« Depuis 1999, chaque 3 octobre, jour de la Saint Gérard, nous nous réunissons, tous les anciens buronniers de l’Aubrac, raconte Paul Fournier (1), 90 ans, ancien buronnier. Pour commencer, nous nous rendons à l’église d’Aubrac pour une messe qui se poursuit par un repas joyeux à Saint-Chély-d’Aubrac. Ce rassemblement amical, auquel nous convions nos familles et nos amis, est devenu un rendez-vous empreint d’émotions et de souvenirs. Nous y sommes attachés comme nous sommes ancrés au pays qui nous a vus naître et au métier qui a façonné nos vies de buronniers dans les montagnes de l’Aubrac"
«J’ai gravi tous les échelons du métier»
«Une saison d’estive durait 142 jours dans le buron ou le « masuc », où une équipe hiérarchisée fabriquait les fourmes d’Aubrac à partir du lait des vaches aubracs bien sûr ! J’ai été « roul » à 15 ans. J’étais grand par rapport à des gamins qui commençaient à neuf ou dix ans. Aller chercher des vaches à 5 h du matin, dans le brouillard d’une montagne immense, à cet âge vous forgeait le caractère !"
«J’ai gravi tous les échelons du métier, bédélier, pastre avant d’être cantalès. Ce dernier, « maître à bord » du buron, était le seul à entrer dans la cave où reposaient les précieuses fourmes de 50 kg avant la venue du propriétaire et du marchand de fromages. Jusque dans les années 1960, la vie était dure mais aussi joyeuse dans les 300 burons de l’Aubrac."
«Les souvenirs ressurgissent dans le cœur de chacun"
«La messe des anciens buronniers symbolise cette communion ancestrale de l’homme à sa montagne et à son troupeau. Le matériel utilisé pour fabriquer le fromage — la gerle en bois, les farrats (seaux), l’atrassadou, une cloche, la cuillère en cuivre au long manche qui servait à emprésurer le lait dans la gerle… — est conduit devant l’autel, explications à l’appui. Les souvenirs ressurgissent dans le cœur de chacun."
«Le chant « Lou mazuc » composé par le père Célestin Aygalenc, dans les années 1940, conclut ce moment de recueillement. 242 buronniers sont décédés depuis 2001. Mais leur mémoire reste vivante sur notre plateau de l’Aubrac qu’affectionne le vent du nord — la cantalèsa — et les nombreux touristes qui viennent se ressourcer et goûter notre fromage de Laguiole et notre aligot, désormais reconnus jusque sur les plus grandes tables de chefs étoilés. »
(1) Paul Fournier a été président de l’Association des anciens buronniers de 2007 à 2018. Il écrit aussi des poèmes : « Poèmes sur l’Aubrac. Nostalgie d’un buronnier ». Éditions Lacour-Ollé. 2011 ; « 142 jours dans un masuc de l’Aubrac ». Éditions Grelh roergàs. 2016.